Pour assurer les liaisons entre les deux parties d'Abidjan (Plateau et l'île de Petit-Bassam) et acheminer vers le port d'Abidjan les marchandises de l'arrière-pays (quasi-totalité du territoire ivoirien, territoire de Haute-Volta, le sud du territoire du Soudan et le sud-est du territoire de la Guinée), la ville d'Abidjan (capitale de la Côte d'Ivoire) ne dispose que d'un bac qui n'arrive plus à satisfaire la demande. Dès 1924 déjà, le gouvernement général de l'Afrique Occidentale Française lance un concours pour la construction de divers ouvrages dont un pont : le pont flottant qui est réalisé de février 1929 au 25 février 1931. Dès 1935, l'intensité du trafic commence à dégrader considérablement les voies en plus des nombreux embouteillages que cette circulation occasionne. À cela, il faut ajouter les situations délicates provoquées par la présence de la voie ferrée au milieu du pont.
C'est ainsi que, dès 1946, l'administration coloniale envisage un nouveau projet et en décembre 1951, la décision de construire un nouveau pont rail-route est prise. Un concours est organisé par le Ministère de la France d'Outre-mer et à la fin de juin 1953, le marché est attribué à trois entreprises : la SETAO (Société d'Études et des Travaux pour l'Afrique de l'Ouest), la SFEDTP (Société Française d'Entreprises de Dragages et de Travaux Publics) et les Entreprises Boussiron. Elles obtiennent le marché, selon Nicolas Esquillan, Directeur Technique des Entreprises Boussiron, non à cause du prix qu'elles mais parce qu'en cas de déraillement dans une poutre-tunnel, la circulation ferroviaire reste maintenue sur la seconde voie ferrée. Ces entreprises s'entourent d'une équipe
d'architectes et d'urbanistes.
Le marché est conclu en août 1954 et le pont a coûté 1.950.000 francs CFA et a été financé par la métropole, à travers le FIDES (Fonds d'Investissement pour le Développement Économique et Social).
Le pont a été construit à 70 mètres à l'est du pont flottant, d'août 1954 à mai 1957. Ces fondations ont été implantées à 70 mètres sous le niveau de l'eau. Il assure le passage simultané de véhicules, de piétons et de trains. C'est un pont à double étage de 372 mètres de long et de 24,85 mètres de large, comportant 8 travées. À l'étage inférieur, le pont est composé de deux tubes en forme de trapèze renversé dans lequel passe deux voies ferrées de 89 mètres de longueur chacune. La partie supérieure porte une chaussée de deux fois deux voies routières de 14 mètres, soit 3,50 mètres pour chaque voie. Sur un côté de la chaussée, une piste cyclable et sur l'autre, une voie piétonne de 4 mètres de largeur chacune.
La réalisation de cet ouvrage a nécessité 2.116 tonnes d'acier provenant de France ; 28.000 m3 de béton dont 9.000 m3 de béton précontraint dont le ciment provient de France alors que le sable et les gravillons viennent de la carrière de granit d'Aké-Béfiat (Agboville, 79 km au nord d'Abidjan). Les effectifs du chantier varient entre 33 et 44 Européens et 475 et 750 Africains.
Le pont a été ouvert à la circulation en septembre 1957 et inauguré le 15 mars 1958 par Gaston de Monnerville, un Guyanais, premier président noir du Conseil de la République (Sénat) et Félix Houphouët-Boigny, ministre de la Santé, notamment.
Évelyne L. D. Lodugnon-Kalou H.,
historienne Université FHB Cocody-Abidjan
"La construction du pont d'Abidjan". Non daté
Film 16 mm, couleur, sonore, 37:32 min
© Fonds Société des Entreprises Boussiron. SIAF/Cité de l'architecture & du patrimoine/Archives d'architecture du XXe siècle