Construit en 1928, le pont Lafayette est un ouvrage en béton armé de 19,50 mètres établi d'après les plans et études d'Albert Caquot. Il est constitué par deux poutres latérales à treillis multiples, à deux travées biaises continues de portées inégales de 59,42 à 76,85 mètres et de hauteur constante égale à 10,40 mètres. Le tablier repose sur ces poutres par l'intermédiaire de soixante entretoises à treillis en béton armé de 2,53 mètres de hauteur supportant quatre longerons évidés. Les poutres principales prennent appui à leurs extrémités sur les culées frettées de 3,60 mètres de hauteur et au centre sur deux piles incorporées à l'ouvrage.

Mais l'électrification du réseau imposait le passage des câbles conducteurs et le relevage du pont fut donc décidé. Ce travail présentait de grosses difficultés dues à la situation même du pont, à l'extrémité des quais, dans un goulet d'étranglement qui rendait impossible toute neutralisation du trafic. D'autres part, le poids et la nature même de l'ouvrage faisaient craindre des risques de fissuration en raison de sa grande raideur.
La solution trouvée a été de faire tourner le pont autour d'un axe horizontal perpendiculaire à l'axe de l'ouvrage passant au niveau de l'appui côté Opéra en le relavant de 71 cm sur l'appui opposé côté Villette. Afin de dégager complètement les voies et de n'apporter aucune modification aux conditions de stabilité des poutres, il fut décidé de soulever l'ensemble du pont et
de ses appuis, y compris les piles centrales qui furent coupées par tranches successives de 80 cm de hauteur pour loger les vérins et les calages.
Les bielles en béton fortement armé constituant les appuis sur culées furent au préalable entourées d'une ceinture en béton précontraint les frettant énergiquement et formant console pour l'installation des vérins. Chacune des ceintures comportait quatorze câbles de précontrainte type BBR Boussiron, et chaque câble était constitué de trente fils de 7 mm de diamètre pouvant supporter un effort de traction de 139 tonnes. Les vérins, d'une puissance de 300 tonnes, étaient au nombre de quatre pour chacune des bielles. Un jeu de vérins complémentaires fut disposé sous les entretoises d'extrémités pour accompagner le levage.

Les travaux démarrèrent le 14 mars 1960 et le 18 juillet de la même année, la montée de l'ouvrage commença après achèvement des travaux préparatoires. L'organisation du relevage comportait cinq postes de levage principaux : un sous la poutre la plus courte du côté Opéra, un sous chacune des deux piles centrales et deux sous la culée de La Villette.
L'opération fut menée sans apporter la moindre gêne à la circulation ferroviaire et en quatre jours l'ouvrage se trouvait au niveau prévu. La circulation routière, quant à elle, fut interrompue deux mois, juillet et août, les travaux durant sept mois au total.
D'après l'article de Louis Bouzon « Le relevage du pont Lafayette en gare de Paris-Est »,
La Technique des Travaux, n°3-4, mars 1962
"Le relevage du pont Lafayette à Paris. 11.000 tonnes à soulever". Non daté
Film 16 mm, NB, sonore, 25:46 min
© SNCF-Section centrale cinématographique, © Fonds Société des Entreprises Boussiron. SIAF/Cité de l'architecture & du patrimoine/Archives d'architecture du XXe siècle