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Le concours d'AnversÀ Rome, au contact de Bigot, Garnier, Hulot, Jaussely et Hébrard , Prost était certes devenu sensible aux problèmes urbains ; certes il s'était intéressé à la ville byzantine ; mais cela ne fait pas encore un urbaniste. Il se lance néanmoins, en 1910, dans le concours lancé par la ville d'Anvers « aux fins d'obtenir les meilleurs projets d'appropriation des terrains constituant l'enceinte fortifiée d'Anvers, la plaine des manœuvres et le polygone du génie à Berchem ». L'originalité du projet de Prost , lauréat du concours, devant Marcel Auburtin, autre architecte français, fut, tout en ouvrant un boulevard circulaire, de ne pas raser totalement les fortifications, et surtout de conserver le canal qui les ceignait. « Sur la plus grande partie de son parcours, le boulevard côtoyant une des rives du canal, soit directement sur le bord, ou par instants séparé de lui par des plantations, l'on pourrait disposer des bancs, des exèdres, etc., permettant de se reposer en regardant de beaux points de vue. La rive opposée serait occupée par des habitations (villas ou autres) dont les terrains seraient directement en bordure des eaux du canal, de façon que leurs façades ou leurs jardins s'y reflètent directement. En des endroits spécialement choisis, en tenant compte de la configuration du canal, nous avons placé quelques-uns des monuments demandés de façon que leur silhouette architecturale (clocher, tour, beffroi, etc.), dominant cet ensemble pittoresque de boulevard, jardins, villas, habitations, etc., soit doublée par le reflet des eaux », écrit Prost . C'est la naissance d'un urbanisme paysager, caractéristique de l'école française d'urbanisme de la première moitié du XXe siècle, que l'on retrouvera évidemment à Istanbul.

Parallèlement, Prost approfondit ses connaissances théoriques. En 1911, Paul Léon, directeur des Monuments historiques au sous-secrétariat des Beaux-arts, directeur d'une collection « L'art public » chez l'éditeur Henri Laurens , le contacte pour qu'il rédige un ouvrage intitulé La décoration des villes. Le 20 juillet 1911, Prost et Laurens signent un contrat, selon lequel notre architecte doit remettre en 1912 son manuscrit et des illustrations « schématiques » . Jean Royer a donné une version différente de ce projet d'édition, car selon lui, Prost n'aurait été que l'associé de Léon Jaussely, pour l'illustration d'un ouvrage de P. Léon consacré à l'urbanisme . « Il désirait [Jaussely] faire l'inventaire des principales villes, et Prost s'y trouve associé : villes du centre de la France, côte méditerranéenne ; une pause en famille à Saint-Jean-Cap-Ferrat ; puis c'est vers l'Italie qu'il part pour compléter la documentation nécessaire à Jaussely : Gênes, Pise, Naples, et… Capri. Relevés et croquis en poche, il revient en France […] ». La participation de Jaussely n'est pas invraisemblable, puisqu'en 1915, il participera à la rédaction de Comment reconstruire nos cités détruites, notions d'urbanisme s'appliquant aux villes, bourgs et villages, et en 1922, il supervisera la traduction et l'édition de L'Étude pratique des plans de ville de R. Unwin. Quoi qu'il en soit (mais le contrat d'édition est assuré par une source d'archives) l'ouvrage ne vit pas le jour.

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Au Maroc de LyauteyProst fut envoyé au Maroc, à l'initiative du paysagiste Jean-Claude-Nicolas Forestier (qui avait été en 1913 au Maroc) et de Georges Risler, pour une mission de trois mois auprès du général Lyautey, résident général du protectorat français. Plus largement Prost collaborait avec les architectes Eugène Hénard et Alfred-Donat Agache aux recherches de la section d'hygiène urbaine et rurale du Musée social, présidé par Jules Siegfried.

Il s'embarqua fin décembre 1913, et arriva à Casablanca début janvier. À bord du bateau, il fit la connaissance de Guillaume de Tarde , attaché à la résidence en tant que conseiller juridique , avec qui il allait collaborer durant des années. Lyautey l'informe immédiatement de son programme urbain : « Respecter l'intégralité artistique et sociale des villes anciennes ; appliquer aux villes nouvelles les règles de l'urbanisme le plus moderne ». « Ce qui conduisait, écrit J. Royer, à une séparation complète de ces deux agglomérations, non point pour un quelconque désir de ségrégation sociale, si loin de la pensée de Lyautey , mais au contraire pour laisser harmonieusement – et très librement – cohabiter cette double population. […] Les voies des anciennes villes n'avaient aucun rapport avec les nécessités du trafic mécanique ; toute tentative d'élargissement aurait équivalu à un massacre qui risquait de s'étendre sur un quartier entier. Le souci, enfin, de maintenir dans son cadre pittoresque une civilisation remarquablement conservée. » Si l'idée de séparation des communautés européenne et indigène est certes de Lyautey, il semble bien que celle de villes parallèles est bien de Prost, comme le laisse entendre Lyautey lui-même : « J'ai eu la chance dès le début d'avoir des collaborateurs de premier choix […] et enfin le grand urbaniste M. Prost, qui fut réellement l'inspirateur de nos villes nouvelles et de la conception qui leur permet de voisiner sans trop de dommages avec les villes indigènes. […] Cette conception dans son ensemble ce n'est certes pas moi qui en ai l'honneur, mais avant tout M. Prost, le très grand urbaniste. »

Prost met en place un « service d'architecture et des plans de villes » et commence par travailler sur la ville nouvelle de Casablanca. Il élabore un ensemble de codes et de réglementations, et travaille sur le développement des villes côtières, priorité du protectorat, pour des raisons industrielles et commerciales. Pour Casablanca, Prost établit, en 1915, un système de circulation visant la distribution de la ville future mais aussi le « redressement des lotissements engagés », des remembrements et des « redistributions », ainsi que des « règles d'occupation du sol » et évidemment un plan de zonage . Il commence par l'ouverture du boulevard du 4e-Zouaves , sorte de Canebière (référence à Marseille) de Casablanca. Pour le port, il établit des terre-pleins gagnés sur la mer. Plus tard, à partir de 1917, Prost, associé à l'architecte Albert Laprade , conçoit une « Nouvelle ville indigène », qui a la caractéristique d'être composée de maisons traditionnelles, à cour centrale (latérale pour les plus petites), inspirées de celles de Rabat-Salé . « C'est une ville indigène, ou plus exactement, la ville construite par les architectes français pour les indigènes, en tenant compte de leurs mœurs, de leurs scrupules en y ajoutant ce que notre hygiène peut y ajouter », écrit Léandre Vaillat à propos du quartier des Habous . Les îlots, rectangulaires et allongés, se rangent en bandes serrées, en groupes d'orientations différentes, composant un plan complexe qui produit un paysage urbain pittoresque, recherché pour sa similitude avec les médinas « indigènes ». Dans la même veine, mais pour un usage sensiblement différent, Prost, dans sa volonté de tout « zoner », a aussi conçu « un quartier réservé » ou Bousbir, réalisé par les architectes Auguste Cadet et Edmont Brion.

Le plan de la ville nouvelle est lui aussi complexe, mais par la diversité des tracés qui ont dû s'adapter aux constructions spéculatives préexistantes. Le port est relié au centre de la ville par le boulevard du 4e-Zouaves, bordé d'arcades, entre la médina et le cimetière musulman. Il aboutit à la place de France d'où part l'avenue du Général-d'Amade qui débouche sur la place Lyautey regroupe les principaux services administratifs, traités comme des monuments. Derrière est implanté le Parc Lyautey. Un boulevard circulaire ceint la partie centrale de la nouvelle ville .

La réception des travaux de Prost a généralement été bonne, du moins à en croire les revues d'architecture et d'urbanisme. Mais, d'autres échos existent, comme celui du critique d'art Camille Mauclair, en 1933, tant sur la ville nouvelle que sur les quartiers Habous et Bousbir : « Je suis rebuté aussitôt par l'aspect à la fois improvisé et prétentieux, neuf et désordonné, provincial sans la quiétude de la province. De longues rues sont bordées de maisons jaunes sans aucun caractère définissable, pâtés de ciment, machines à habiter , casernes pour civils où la place chichement mesurée et le fameux confort réglementaire sont désespérément anonymes. D'autres termitières à demi bâties se dressent dans les gravats de terrains vagues. […] Quand j'arrive à la place de France, très longue et assez étroite, je trouve le vacarme et la trivialité, un hourvari de tramways grinçant, de crieurs de journaux, de charrois, dans un décor de vilains hôtels, de succursales de magasins parisiens, d'entrées de cinéma et de terrasses de brasseries. Depuis dix ans, on a pris l'initiative d'édifier sur cette zone un nouveau quartier arabe, une Médina neuve avec deux cents maisons, une soixantaine de boutiques, une mosquée et une Kisaria fort joliment installée. C'est trop neuf, cela sent un peu son Exposition coloniale, mais les Marocains commencent d'y venir et de s'y plaire. Près de la Médina nouvelle, il devenait nécessaire d'avoir un quartier « réservé pour satisfaire aux nécessités d'une foule d'ouvriers et de soldats ne disposant jusqu'alors que de bouges ignobles promettant infiniment moins de plaisirs que de risques vénériens. On a alors demandé à un architecte de construire, en style marocain, une petite cité de femmes. C'est le Bousbir, dont les Casablancais semblent assez fiers pour que je m'y sois laissé conduire. » Mais, « peu à peu, ajoute Mauclair, s'est atténuée ma vive antipathie pour Casablanca lorsque j'ai commencé de voir clair dans le chaos bruyant de ses rues, et d'y discerner le plan d'urbanisme, logique, salubre et presque beau, qui s'y développe. » Suivent même des compliments pour Prost, que Mauclair certainement préférait à Le Corbusier : « Une nouvelle ville s'est établie à l'entour [du port], concentriquement délimitée et traversée par de vastes boulevards. Au milieu d'eux s'est créé le grand et salubre Parc Lyautey. […] Cette place dite administrative [la place Lyautey], où s'érigent le palais de justice et le palais de la subdivision, le cercle militaire, l'Automobile Club, entourés de parterres et d'arbres, est vraiment un très bel exemple d'harmonie architecturale, d'appropriation au ciel et au pays. Il y a dans cette conception de [Joseph] Marrast presque de la grandeur, et si elle n'atteint point le charme exquis du quartier de la Résidence de Rabat, du moins représente-t-elle un formidable effort de réaction contre le désordre des premiers temps. »

Les maisons et les immeubles, réalisés par divers architectes, expérimentent la modernité européenne, avec quelques concessions locales, qui produisirent un style spécifique allant quelquefois jusqu'au néo-mauresque . Claude Farrère a décrit à sa manière cette architecture : « Pour tout dire, les architectes du Maroc avaient de qui tenir. À l'école d'un Maurice de Tolly, ils avaient su créer le style de leurs constructions selon la logique. Une architecture doit s'adapter harmonieusement au climat d'un pays et aux mœurs d'une race. Copier, sur la terre du Maghreb, à l'usage des immigrés d'Europe, les édifices indigènes, c'eût été oublier qu'un Français ne vit pas comme un Arabe ou comme un Berbère. Copier, entre Mogador et Tanger, les blocs parisiens de nos boulevards, c'eût été oublier que le climat de Paris n'est pas le climat de Fez, ni le climat de Marrakech. Maurice de Tolly, aux premières heures du protectorat, avait su ne rien oublier, et créer une architecture marocaine […] ». Dans un autre genre, le critique d'art Georges Vidalenc observe : « Sachons gré au service des Beaux-arts, comme aux architectes en général, de n'avoir pas introduit au Maroc cette architecture officielle internationale qu'on rencontre un peu partout, mais d'avoir tenu compte, un peu partout, des nécessités et des traditions du pays. Leur exemple portera ses fruits ».

Prost est aussi intervenu à Rabat, Meknès, Marrakech et Fez . À Rabat, vieille médina devenue capitale, il fallait tout faire, la Résidence et la ville européenne. La Résidence générale occupe, dans un parc à l'intérieur duquel sont dispersés les services administratifs centraux, le point le plus haut du site, proche du palais du Sultan, assez loin de Rabat et Salé implantés en bord de mer de part et d'autre de l'oued Bou Regreg. Une ville européenne, faite de lotissements disparates, existait déjà au sud de la médina de Rabat, « déjà très construite et lotie sans plan général », que Prost a dû « essayer d'arranger tant bien que mal » . Il a dû dessiner un quartier nouveau, au plan rayonnant, au sud-ouest, à côté de l'Agdal du Sultan.

Dans le cas des villes de l'intérieur, pratiquement aucune extension n'était sortie des murailles. L'implantation de la ville européenne n'en a été que plus facile, généralement assez loin de la vieille ville, mais souvent à proximité de la gare. « Dans ces villes on a pu appliquer l'excellent principe d'une séparation très nette entre la ville indigène et la ville européenne nouvelle, séparation d'autant plus indispensable que les européens se seraient trouvés noyés dans la population indigène, au grand détriment de leur confort et de leur hygiène, et qu'ils auraient cependant réagi sur leurs voisins de la façon la plus fâcheuse, troublant par leur présence remuante les usages antiques de la vieille ville musulmane et déformant, selon leurs besoins propres, l'aspect de l'aménagement de celle-ci ».

Les terrains appartenant à l'État ou aux collectivités comme les Habous, l'administration a procédé aux opérations de voirie, d'assainissement, de remembrement et de lotissement (alignements et division des îlots en parcelles), cette dernière opération finançant les travaux. Les premières ventes ont été à prix fixe, puis ensuite par adjudication.

Les plans sont variés, adaptés aux terrains. Celui de Fès , le plus complexe, mêle avenues droites (comme celle qui mène à la médina), rayonnantes à partir de la place de la Gare, boulevards circulaires, petits lotissement quadrillés. Mise à part l'avenue de la Gare, le plan de Meknès est tout en courbes, alors que celui de Marrakech est presque totalement rayonnant. On notera les villes plus régulières comme Mechra-Bel-Ksiri et Petit-Jean (quadrillages enrichis de diagonales et de rues rayonnantes à partir d'une place ou de places principale. À Mechra, qui représente le plan le plus élaboré, on trouve une place de la Gare et une place sur les bords de l'oued Sebou, dont les avenues principales qui en partent se croisent sur un carrefour circulaire, véritable point d'articulation de la ville . Tout l'art « Beaux-arts » de la composition du plan, commun à Prost et ses collaborateurs, s'est ainsi exprimé.

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La côte varoise En 1922, le préfet du Var, Thomas Barnier, proposait aux maires des communes littorales, de part et d'autre de Toulon, un projet d'aménagement paysager . Le programme était le suivant : « Veiller à ce que nos sites ne soient pas compromis par les égoïstes qui édifient, ne se préoccupant que de s'assurer la jouissance personnelle d'un coin pittoresque, sans se demander s'ils ne vont pas nuire au paysage. Prendre les mesures nécessaires pour que, au fur à mesure du développement de la côte, les voies routières puissent être élargies en fonction des besoins et, dans ce but, créer dès maintenant les servitudes de non aedificandi indispensables pour que, le jour venu, le coût des expropriations de constructions ne rende pas irréalisable tout projet d'élargissement. Et aussi prévoir, pour le même motif, l'extension du réseau routier par l'ouverture de voies nouvelles, aussi bien dans les parties qui surplombent la mer, en forêt, qu'au bord de la mer ». Barnier, songeant à Prost pour réaliser ce programme, consulta Lyautey qui, évidemment, répondit : « Je ne saurais donc trop vous le recommander ». Prost traduisit ainsi ce programme : « Protection de la Côte ; large possibilité d'élargissement des voies publiques ; mise en valeur du pays : c'est-à-dire la possibilité pour chacun d'acquérir un terrain avec la certitude de savoir ce terrain en bordure d'une voie publique , dont la réalisation plus ou moins lointaine est cependant absolument assurée ».

Prost juge l'urbanisation inévitable, souhaitable même, mais il convient donc de la maîtriser. « On peut prévoir que si la population des agglomérations existantes augmente immédiatement autour du noyau central, partout, tout le long de cette côte nous devons nous attendre à voir des habitations s'élever un peu au hasard des acquisitions de terrains, nul doute qu'une énorme circulation automobile en résultera. » L'augmentation de la population est à la fois le prétexte et le but de l'amélioration du réseau des routes. « Pour réaliser ce programme, il faut des habitants en beaucoup plus grand nombre qu'il n'y en a actuellement, il faut fixer et retenir ceux qui viennent simplement en touristes dans ce pays si pittoresque où il y a tant de place libre que l'on peut occuper sans en altérer l'aspect. L'installation de nouveaux habitants ne peut se faire sans de nombreux lotissements, et pour provoquer ceux-ci, il faut vertébrer l'ossature du réseau des voies de communication de notre littoral dont le tracé permettra d'une part aux touristes de découvrir les plus beaux points de vue et d'autre, de créer sur ces artères essentielles tout un réseau de voies secondaires où chacun trouvera le lot de terrain bien orienté. » Nous pouvons constater aujourd'hui que ce programme a réussi au-delà des espérances : la Côte d'Azur est entièrement urbanisée. Mais à l'époque, Prost espérait pouvoir protéger l'essentiel des paysages, par des aménagements et des architectures adaptés.

Pour que la circulation soit plus aisée dans des sites très pentus, Prost propose des voies qui se dédoublent en s'étageant, des courbes plus amples, des trottoirs surélevés, des plantations de pins parasols. Il pense aussi à l'architecture. « Quant aux constructions elles-mêmes, nous ferons appel à tous nos confrères afin d'empêcher l'édification de toute construction dont le caractère ne serait pas en rapport avec l'harmonie du paysage. Terrasses et couvertures à faible pente doivent être de rigueur, les imitations de chalets normands ou hollandais et toutes pâtisseries d'architectures cosmopolites sont à bannir d'une région où nous voudrions voir tous les constructeurs s'inspirer de la vieille architecture provençale appliquée sur des plans correspondant bien à nos besoins modernes ». Le mouvement régionaliste des années 1920-1930, celui promu par l'architecte Charles Letrosne puis par Léandre Vaillat, n'a donc pas laissé Prost indifférent .

Présenté en 1924 devant la Commission supérieure d'aménagement, d'embellissement et d'extension des villes, présidée par L. Jaussely, le projet de Prost fut naturellement approuvé .
L'aménagement de la région parisienne La loi Cornudet, votée le 14 mars 1919, ne concernait que le développement urbain. Il fallut attendre 1935 pour voir promulgués les décrets d'aménagement régional. Après l'échec du « Grand Paris » se constitua un « Comité supérieur de l'aménagement et de l'organisation générale de la région parisienne ». Prost s'y retrouve avec Raoul Dautry , et élabore un nouveau plan à partir de 1928, rôle confirmé par la loi du 14 mai 1932 qui l'institue urbaniste en chef du Comité. Pour éviter le grignotage des forêts par l'urbanisation, il définit des « périmètres d'agglomération ». Et pour faciliter une circulation qui évite les secteurs urbains, qui est conçue sans croisement avec le réseau routier, il propose la mise en place d'une « ossature d'autoroutes » . Prost remit son étude en 1934.

Dans ces années, Prost travaille aussi à Metz (premier remembrement urbain), à Lyon, à Tunis, à Valence, à Smyrne, à Alger .

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Henri Prost à Istanbul En 1934, le gouvernement turc invita Prost à participer au concours pour l'aménagement d'Istanbul. Il déclina l'offre et désigna Jacques-Henri Lambert à sa place. En 1935, il fut à nouveau consulté et cette fois accepta, car les conditions lui convenaient, et aussi parce que son travail sur la région parisienne touchait à sa fin. Il allait s'engager dans cette aventure pour presque 20 ans. « Ce fut le couronnement de sa carrière », écrira M. Rotival . Prost allait retrouver la Constantinople de sa jeunesse.

Prost arriva à Istanbul à la fin de l'année 1935. Il y retourna fréquemment les années qui suivirent. En 1938, il fut même reçu par Mustafa Kemal. Il en a laissé le récit dans un entretien pour le journal Le Figaro : « Je débarquai un matin incognito à la gare de Constantinople, désireux de m'imprégner d'abord, en toute quiétude, de l'atmosphère de la cité sur laquelle j'allai travailler, tailler, besogner, comme un chirurgien. Mais je n'allai pas plus loin que la consigne des bagages sans rencontrer le préfet, déjà averti de mon arrivée, qui m'accueillait officiellement et, quelques heures plus tard, m'emmenait sur une plage où se dressait une maison de bois, d'aspect très simple, joyeusement fleurie . Un homme nous attendait sur le seuil : c'était Atatürk, le maître et le guide, écouté avec vénération, de la nouvelle Turquie. Il me fit expliquer mes projets, jeta un regard attentif sur les plans. La transformation de Constantinople était décidée ! ».

Le collègue et ami de Prost, Albert Gabriel , alors directeur, en 1935, de l'Institut français d'archéologie de Stamboul , rapporte : « En même temps qu'il analysait dans ses moindres détails un des chefs-d'œuvre incontestés de l'architecture [Sainte-Sophie, lors de ses séjours entre 1905 et 1911], Prost visitait la ville et ses faubourgs, examinait, en technicien et en artiste, ses monuments byzantins et turcs, ressentait le charme nuancé de la Corne d'Or, du Bosphore et de la Marmara. Ainsi donc, en 1935, il retrouvait une agglomération et des sites dont il avait gardé un souvenir nostalgique et il se mettait à l'œuvre sans tarder. » Prost séjourna fréquemment en Turquie, y resta même continuellement, de 1940 à 1946. Il quitta Istanbul en 1951, lorsque son plan directeur fut abandonné. Il ne revint qu'en 1957, quand le nouveau gouvernement turc s'avisa de l'intérêt de son plan .

Il semble qu'en 1965, il fut envisagé que le « Plan directeur d'Istanbul » soit gravé sur le soubassement de la Yeni camii , pour répondre à un souhait de Prost, mais cela ne fut jamais fait .
Une longue et brillante carrière Au cours de sa carrière , Henri Prost cumula les charges et les honneurs. Architecte en chef, puis inspecteur général des Bâtiments civils et palais nationaux, il fut professeur à l'Institut d'urbanisme de l'université de Paris (1927-1940), directeur de l'École spéciale d'architecture (1929 à 1959). Il devint membre de l'Institut de France (Académie des Beaux-arts) en 1933, de l'Académie d'architecture (qui hérita de son fonds d'archives). Il présida la Société française des urbanistes, la section française de l'Union internationale des architectes, le comité de la revue Urbanisme. Il fut membre de la Commission supérieure d'aménagement des villes. Il était commandeur de l'ordre des Arts et lettres et celui de la Légion d'honneur.

Un extrait du discours prononcé par Jacques Carlu, président de l'Académie des Beaux-arts, lors de la séance publique annuelle, en 1959, après le décès de Prost, résume son caractère : « Personnalité dont les traits caractéristiques reflétaient une native bonhomie, parfois un peu bougonne, et une charmante modestie, homme affable et courtois, généreux, bienveillant […], son amabilité enveloppant toutefois une inflexible intransigeance touchant la recherche de la vérité, la rigueur de méthode, la probité intellectuelle. » Moins officielle mais tout autant élogieuse est la nécrologie de Maurice Rotival : « Certes, une grande tristesse nous étreint tous, mais peut-être sa mort va-t-elle être pour ceux qui sont responsables des grands plans, dont ceux du Grand Paris, un encouragement à se raidir, à s'opposer à la destruction du site, à la bêtise qui se croit trop souvent scientifique, et à ne réaliser que ce qui est bien, que ce qui est beau, seul cadre où les hommes doivent trouver le bonheur, […] seul objectif, selon Prost, des « planeurs » et des « urbanistes ». C'est là, sans doute, le message que nous laissa l'homme, le visionnaire peut-être, que nous pleurons aujourd'hui. Puissions-nous ne pas oublier la leçon. »

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Pierre Pinon
haut de page
J. Royer, « Maroc », dans Urbanisme, n° 88, 1965, page 24.
J. Royer, « Maroc », dans Urbanisme, n° 88, 1965, page 23.
Sur R. Dautry, cf. R. Baudouï, Raoul Dautry : 1880-1951 : le technocrate de la République, Paris, 1992.
Concours gagné par L. Jaussely. Cf. J.-L. Cohen, « L’union sacrée : technocrates et architectes modernes à l’assaut de la banlieue parisienne », dans Les Cahiers de la recherche architecturale, n° 9, 1982, pages 6-25.
J. Royer, « Maroc », dans Urbanisme, n° 88, 1965, page 20.  D’ailleurs, le palais de la Résidence à Rabat (Prost et A. Laprade) est donné comme un exemple réussi d’architecture régionaliste par René Clozier (L’architecture, éternel livre d’images, Paris, 1936, page 135).
J.-C. Vigato, L’architecture régionaliste, France, 1890-1950, Paris, 1994, pages 139-281.
H. Prost, « Le plan d’aménagement et la mise en valeur de la Côte d’Azur varoise », dans Où en est l’urbanisme en France et à l’étranger, Strasbourg 1923, Paris, pages 166-167.
H. Prost, « Le plan d’aménagement et la mise en valeur de la Côte d’Azur varoise », dans Où en est l’urbanisme en France et à l’étranger, Strasbourg 1923, Paris, pages 164-165.
Prost prévoit souvent des extensions linéaires pour les agglomérations, le long des chemins élargis.
Lettre de Lyautey du 24 mai 1922.
J. Royer, « Maroc », dans Urbanisme, n° 88, 1965, page 18.
Th. Barnier, « Côte d’Azur varoise », dans L’œuvre de Henri Prost. Architecture et urbanisme, Académie d‘architecture, Paris, 1960, pages 123-139.
Ed. Joyant, Traité d’urbanisme, 2e partie, Étude des plans de villes, Paris, 1929, page 116, écrit : « Le plan de la bourgade se développe en étoile autour d’une place centrale ». Nous pensons plutôt que la place centrale est une résultante et non un point de départ.
Ed. Joyant, Traité d’urbanisme, 2e partie, Étude des plans de villes, Paris, 1929, page 118.
Dans « L’urbanisme au Maroc », projet de livre resté manuscrit (Académie d'architecture/Archives d’architecture du XXe siècle, Cité de l’architecture et du patrimoine, fonds Henri Prost).
J. Royer, « Maroc », dans Urbanisme, n° 88, 1965, pages 14-16 ; J. Marrast, « Maroc » dans L’œuvre de Henri Prost, Académie d’architecture, Paris, 1960, pages 77-119 et Ed. Joyant, Traité d’urbanisme, 2e partie, Étude des plans de villes, Paris, 1929, pages 108-125, et fig. 73-84.
L’Art Marocain, Paris, 1925, page 125.
J.-L. Cohen et M. Eleb, Casablanca. Mythes et figures d’une aventure urbaine, Paris, 1998, page 89.
J.-L. Cohen et M. Eleb, Casablanca. Mythes et figures d’une aventure urbaine, Paris, 1998, pages 127-155.
Les couleurs du Maroc, Paris, 1933, pages 138.
Les couleurs du Maroc, Paris, 1933, pages 136-137.
Les couleurs du Maroc, Paris, 1933, pages 132-133 et 135-136.
Référence à Le Corbusier que C. Mauclair haïssait.
Ed. Joyant, Traité d’urbanisme, 2e partie, Étude des plans de villes, Paris, 1929, pages 94-107 et fig. 68-72. Joyant fut collaborateur de Prost au Maroc.
Le visage français du Maroc, Paris, 1931, page 12, et du même « La nouvelle médina de Casablanca », dans L’Illustration, n° 4752, 1930.
J. Gallotti, Le jardin et la maison arabe au Maroc, Paris, 1926 (dessins d’A. Laprade).
A. Laprade, « Une ville créée spécialement pour les indigènes à Casablanca », dans J. Royer, L’urbanisme aux colonies, t. 1, 1932, pages 94 et suivantes.
J.-L. Cohen et M. Eleb, Casablanca. Mythes et figures d’une aventure urbaine, Paris, 1998, pages 75-85.
Hubert Lyautey, Paroles d’action, Paris, 1927, pages 444-447. À moins que l’idée ne remonte à J.-C.-N. Forestier (cf. R. Baudouï, « Les acquis de l’expérience coloniale française au Maroc (1912-1925) », dans Aux débuts de l’urbanisme français (V. Berdoulay et P. Claval dir.), Paris, 2001, page 156.
Des critiques récents y ont aussi vu un mode de séparation sur des critères hygiéniques et sécuritaires (cf. B. Taylor, « Discontinuité planifiée. Villes coloniales modernes au Maroc », dans Les Cahiers de la recherche architecturale, n° 9, 1982, pages 44-63).
De 1914 date le souci de conserver le caractère des villes « arabes » de Tunisie. L. Poinssot, «Mesures prises pour la conservation des villes arabes de Tunisie », dans, J. Royer, L’urbanisme aux colonies, Paris, t. II, 1935, pages 27-32.
J. Royer, « Maroc », dans Urbanisme, n° 88, 1965, pages 11-16, et J. Marrast, « Maroc » dans L’œuvre Henri Prost, Académie d’architecture, Paris, 1960, pages 49-119. On lira naturellement de Prost, « Le développement de l’urbanisme dans le protectorat du Maroc, de 1914 à 1922 », dans J. Royer, L’urbanisme aux colonies, Paris, t. I, 1932, pages 66-71. On pourra aussi lire Les hommes nouveaux de Claude Farrère (1922), roman dans lequel apparaît un inspecteur des travaux et des palais, Maurice de Tolly, qui pourrait être une figure romancée de Prost ou de Gaston Delure, directeur des Travaux publics.
Tarde ira jusqu’à écrire « Henri Prost, vous le savez, a été le Phidias de ce Périclès [Lyautey] », dans « L’urbanisme en Afrique du nord », dans J. Royer, L’urbanisme aux colonies, t. I, 1932, page 31.
Prost collabora avec ces deux architectes à l’étude du Plan d’extension de Paris en 1912. Sur Agache, cf. C. Bruant, « Donat-Alfred Agache (1875-1959), l’architecte et le sociologue » dans Revue du monde musulman et de la Méditerranée, vol. 73-74, n° 3-4, 1994, pages 100-117, et « Un architecte à l’école de l’énergie. Donat-Alfred Agache, du voyage à l’engagement colonial », dans, Figures de l’orientalisme en architecture, Revue du monde musulman et de la Méditerranée, n° 73-74, 1994, 3/4, pages 99-117. Nous reparlerons de A.-D. Agache à propos d’Istanbul.
L’intérêt de P. Léon pour l’urbanisme est évident puisqu’en 1910, il avait écrit « La beauté de Paris » (dans la Revue de Paris, 15 novembre 1909), et qu’en 1947, il publiera Paris. Histoire de la rue. En 1925 (Art et artistes aujourd’hui, Paris, page 111), il annonçait la publication d’un ouvrage Reims, étude d’histoire urbaine, jamais abouti.
J. Royer, « Henry Prost. L’urbaniste », dans Urbanisme, n ° 88, 1965, page 11.
Académie d'architecture/Archives d'architecture du XXe siècle, Cité de l'architecture et du patrimoine, fonds Henri Prost HP.ARC.10/5.
Éditeur de nombreux ouvrages sur les villes, dont ceux de la collection « Les villes d’art célèbres », de La voie publique et son décor, par Fernand Bournon (1909), et plus tard  de l’Histoire de l’urbanisme de Pierre Lavedan.
Cité par J. Royer, « Henri Prost. L’urbaniste », dans Urbanisme, n ° 88, 1965,  pages 9-10.
Concepteur du plan de reconstruction de Salonique après l’incendie de 1917. A. Yérolympos, Urban Transformations in the Balkans (1820-1920). Aspects of Balkans Town Planning and the Remaking of Thessaloniki, Salonique, 1996.
M. Rotival, « Henri Prost », dans L'Architecture d'aujourd'hui, n° 84, 1959, page V.
J.-P. Frey, « Henri Prost (1874-1959) : parcours d'un urbaniste discret (Rabat, Paris, Istanbul) », dans Urbanisme, n° 336, mai-juin 2004, pages 79-87.
Une lettre d'A. Gabriel à Th. Leveau du 22 octobre 1965 évoque ce problème (archives privées). Gabriel y écrit : « Je ne me souviens pas qu'il [Prost] m'ait jamais entretenu d'une telle question ».
J. Royer, « Maroc », dans Urbanisme, n° 88, 1965, page 28.
« Henri Prost et le plan directeur de Stamboul » (Fonds d'archives A. Gabriel, Bar-sur-Aube).
P. Pinon (dir.), Albert Gabriel, (1883-1972). Architecte, archéologue, artiste, voyageur,  Istanbul, 2006.
Dans une lettre de réponse à une demande de devenir membre du « Comité des amis de Henri Prost », datant de 1965, Gabriel écrit : « Nous avons entretenu d'excellents rapports et il m'aurait été agréable de faire partie [de ce comité] » (Fonds d'archives A. Gabriel, Bar-sur-Aube).
Il s'agit de la plage de Florya, où Mustafa Kemal s'était fait construire une maison en bois (cf. W. Sperco, Moustafa Kemal Atatürk. Créateur de la Turquie moderne, Paris, 1958, page 138).
Daté 29 août 1938, rédigé par Georges Rayon.
J. Royer, « Maroc », dans Urbanisme, n° 88, 1965, page 13.