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Sainte-Sophie
Présentation
Sainte-Sophie
Sainte-sophie de ConstantinopleDans le fonds d'archives Henri Prost de la Cité de l'architecture et du patrimoine, les dessins concernant Sainte-Sophie sont plus d'une centaine : plans, coupes, élévations, axonométries, détails, vues pittoresques, au crayon, au fusain, à l'encre, à l'aquarelle, à la gouache, à l'huile, sur papier, sur calque, sur carton, sur toile. Ces dessins ont été effectués en 1905 et 1906, pour les « envois de Rome » de 3e et de 4e années, minutes ou esquisses préparatoires, et rendus mis au net. Prost a étudié l'architecture, la construction, la décoration et les abords du monument, après avoir dépouillé l'ensemble de la littérature disponible sur le sujet.

Parmi cet ensemble figure une belle vue intérieure à l'encre sur calque qui montre tant la structure générale, la coupole centrale, la demie coupole du chœur et ses trois absides, que le détail de la décoration en mosaïque des tympans latéraux et des absides. De la décoration de la coupole, il ne reste de visible que les quatre chérubins peints dans les pendentifs. Les mosaïques, recouvertes d'un badigeon au XVIIIe siècle, n'ont été que partiellement dégagées par Gaspare Fossati en 1847-1849 . Prost a intentionnellement enlevé de son dessin les quatre cartouches ronds en bois couverts d'inscriptions calligraphiées au XVIIe siècle, accrochés à la base des pendentifs . Ces cartouches ont résisté à la conversion en Musée de 1935 . Dans le dessin de Prost, les grands lustres suspendus ont une grande présence, sans doute volontairement, bien qu'ils perturbent la vision architecturale .

Prost a aussi élaboré une extraordinaire vue perspective coupée, vue en contre-plongée à partir du sol , un peu à la manière d'Auguste Choisy . Ce dessin aquarellé permet simultanément de voir le plan au sol et celui de toutes les coupoles et des voûtes.
Byzance reconstiuée
Prost a étudié l'église ainsi que ses abords, mais dans l'état supposé d'origine sous le règne de Justinien. Le document principal s'intitule « Byzance au VIème siècle. Palais impérial. Sainte-Sophie et ses abords. Essai de reconstitution » .

Ce plan synthétise l'approche architecturale et urbaine de Prost, car il représente tout le quartier de Sainte-Sophie, des « Bains » de Zeuxippe, du Palais impérial et de l'Hippodrome, jusqu'à la mer de Marmara, mais en plan coupé, ce qui permet de rendre compte aussi de la distribution intérieure de tous les édifices. Ce plan est doublement extraordinaire : Prost ne connaissait presque rien des édifices antiques, en dehors de Sainte-Sophie et de la forme générale de l'Hippodrome connue par celle de l'At Meydanı, et il a dû inventer le tissu urbain complexe reliant les monuments, eux-mêmes restitués de la manière la plus incertaine.

Il faut savoir qu'il n'existait alors que la restitution des palais par J. Labarte (1861), fondée sur très peu de vestiges archéologiques. Les fouilles archéologiques elles-mêmes n'ont commencé dans cette zone qu'après les incendies de 1912 et 1913, par les Allemands d'abord, jusqu'en 1919, puis les Français à partir de 1921 . En 1907, Ebersolt et Thiers commençaient seulement leurs recherches .

Prost a dessiné un Palais impérial assez unitaire, composé d'une enceinte carrée , centré sur une grande cour entourée de salles d'apparat séparées par des péristyles, avec une église dans un angle. Le palais proprement dit est précédé de deux casernes séparées par une allée à portiques ouvrant sur le Forum ou Augusteon. Le principal exploit a consisté à dessiner un tissu urbain, tenant à la fois de l'urbanisme de tradition hellénistique avec de grandes avenues à portiques, et de la ville méditerranéenne. Prost a tracé des rues souvent coudées ou courbes, délimitant des îlots irréguliers. Dans ces îlots, il a dû arranger des maisons à péristyle de tradition grecque antique, c'est-à-dire avec des cours carrées. Il en découle de nombreuses déformations qui donnent au tissu urbain un caractère fort pittoresque.

Prost n'est alors pas le premier à s'être livré à cet exercice. Quand Auguste Caristie a reconstitué le quartier du « Temple de Sérapis » à Pouzzoles (1819), Félix-Emmanuel Callet celui du Forum à Pompéi (1824), René Patouillard l'île Tibérine à Rome (1900), Garnier la ville de Tusculum (1904), Bigot la Rome antique (1905) et enfin Hulot la ville de Sélinonte (1906), ils ont dû suivre la même démarche : prendre des plans de maisons de Pompéi ou de Délos, les seules alors connues, pour les adapter à des contextes différents et d'autres époques . Chez Prost, comme chez ses prédécesseurs, l'effet est saisissant, à défaut d'être exact. Il semble même que Prost se soit souvenu de la Byzance du VIème siècle quand il a dessiné, trente ans plus tard, les îlots irréguliers de son projet de place Eminönü à Istanbul .

Prost a illustré ce plan de vues cavalières restituées montrant, au premier plan, les carceres de l'Hippodrome, derrière l'Augusteon et Sainte-Sophie, et à droite une partie du Palais impérial. Il s'agit de deux vues au crayon sur calque .

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Pierre Pinon
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P. Pinon, «La place Eminönü », dans S. Texier, dir., L'Institut d'art et d'archéologie, Paris, 1932, Paris, 2005.
P. Pinon, « Bigot pensionnaire à Rome, ou le vainqueur du Grand Cirque », dans S. Texier, dir., L'Institut d'art et d'archéologie, Paris, 1932, Paris, 2005, pages 28-36.
P. Pinon et Fr.-X Amprimoz, Les envois de Rome (1778-1968). Architecture et archéologie, Ecole Française de Rome, Rome, 1988, et P. Pinon, « Le plan-relief de la Rome antique de Paul Bigot », dans Monumental, n° 21, 1998, pages 23-28.
Prost connaissait les recherches de E. Hébrard sur le Palais de Dioclétien à Split, publiée plus tard (E. Hébrard et J. Zeiller, Spalato. Le Palais de Dioclétien, Paris, 1921), mais effectuées en 1906-1907.
J. Ebersolt et A. Thiers, Le Grand Palais de Constantinople, Paris, 1910.
P. Pinon, « Il progetto di Henri Prost e Albert Gabriel per un parco archeologico sul sito dei palazzi imperiali e dell’ippodromo di Costantinopoli (1936-1950) », dans Relitti Riletti. Reread Wreckage. Transformations of Ruins and Cultural Identity, Roma, 2009.
Histoire de l’architecture, Paris, 1899.
En 1911, Le Corbusier écrira à leur propos : « Un plafond d'étoiles s'étendait, formé de zones concentriques, sur des gens en prière. […] La rumeur pieuse montait au travers, très haut, dans la forêt de fils suspendus qui la menait se perdre dans le giron de la coupole. Ce plafond fictif de lumière, à trois mètres au-dessus des nattes, et l'immense espace d'ombre qui s'arrondit au-dessus, sont une des plus poétiques créations architecturales que je connaisse. » (Le voyage d'Orient, Paris, 1966, page 79).
A. Gabriel, « Le Musée de Sainte-Sophie », dans Gazette des Beaux-Arts, XIV, 1935, pages 239-246.
« Peu esthétiques à la vérité ! » écrit H. Barth, en 1903, dans Constantinople, Les Villes d’Art célèbres, Paris, page 53.
Elles ont été relevées par W. Salzenberg, Altchristliche Baudenkmale von Constantinopel, von V bis XII Jahrhundert, Berlin, 1854.
Pour l’état de Sainte-Sophie en 1902, on verra Guides Joanne. De Paris à Constantinople, Paris, pages 31-317.