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Espaces libres
Présentation
Espaces libres
Les espaces verts sont considérés comme une condition indispensable à l’assainissement des villes dans l’urbanisme de la première moitié du xxe siècle. Cependant, le concept d’« espaces libres », que Prost employait souvent dans ses rapports, est plus large, car il comprend tous les espaces publics ouverts : parcs, esplanades, belvédères, places, boulevards, terrains de sport. Dans le Plan directeur de la rive européenne, deux grands parcs, l’un dans la péninsule historique, l’autre au nord au cœur des nouveaux quartiers prévus, se détachent, tant par leur objectif de transformation de leur environnement urbain que par leurs programmes propres. L’urbaniste les nomma « parc n° 1 » et « parc n° 2 ». Dans la péninsule historique, le parc n° 1 s’étendait dans la vallée de Yenibahçe, tandis que la zone de Sarayburnu à Küçük Ayasofya était entièrement réservée à un autre espace vert, le « Parc archéologique ». Un belvédère prolongeant le parc de Gülhane et l’aménagement d’aires de promenade sur la côte figuraient comme des opérations prioritaires. Les parcs, les esplanades, les promenades, les belvédères, les places et les squares que Prost décrit dans ses rapports étaient conçus comme des espaces publics indispensables pour une vie urbaine moderne.
Le parc n° 1
Dans l'ancien plan directeur daté de 1937, Henri Prost décrivait la vallée s'étendant des murailles terrestres en direction d'Aksaray, le long de la rivière de Bayrampaşa (l'antique Lycos), comme un grand parc à de la ville entière. Dans les années 1930, comme durant toute son histoire, cette vallée fertile était occupée par des jardins maraîchers. Initialement, Prost proposa d'aménager cette zone, comme déjà de chaque côté des murailles terrestres, en petits jardins pour les quartiers ouvriers ou d'habitations à bon marché existants ou à créer, afin de faire perdurer cette activité. Pratique courante dans certaines villes européennes, elle consistait à poursuivre une pratique culturelle et économique attestée historiquement à Istanbul. Cependant l'admibistration municipale souhaitait que cette zone soit aménagée en parc culturel. Il est possible qu'en raison de l'ouverture en 1936 du Kültürpark (parc de la Culture) à Izmir, on ait voulu créer ici un parc similaire à Istanbul. Le Kültürpark d'Izmir fut conçu sur le modèle du parc Gorki de Moscou. Prost, de son côté, se référait plutôt aux grands parcs européens comprenant des parcs botaniques et zoologiques et des muséums d'histoire naturelle, comme le Jardin des plantes de Paris. Selon lui, cette zone, grâce à un choix d'arbres appropriés, pourrait rivaliser en beauté avec le jardin botanique des Kew Gardens à Londres . Il était prévu que ce parc comprendrait un jardin botanique et un parc zoologique, et accueillerait des expositions de géologie, minéralogie, zoologie etc., de sciences naturelles et d'histoire naturelle. Dans un rapport de 1941, l'urbaniste insistait sur le fait qu'en raison du microclimat de la vallée de Yenibahçe, particulièrement chaude et humide, la zone devrait être aménagée en un espace vert plutôt qu'en zone d'habitation, alors que certains souhaitaient au contraire la création de lotissements.

Dans le « Plan comprenant les quartiers entre Aksaray et les murailles d'Edirnekapı-Silivrikapı » au 1/2000e, l'aire du parc n° 1 était présentée plus en détail que dans le plan directeur, mais ce n'était pas non plus un plan pour un projet de parc.

L'avenue Vatan (voie n° 13 dans le plan directeur) prenait fin sur la place monumentale circulaire (place n° 20) qui formait l'entrée du parc et se dirigeait ensuite vers les murailles, formant ainsi une esplanade qui constituait l'axe principal du parc n° 1 . L'urbaniste prévoyait la restauration et l'utilisation des édifices historiques situés dans le parc, et leur protection comme des éléments pittoresques. Parmi ceux-ci, Prost prêta surtout attention à la medrese du Sultan Selim, une œuvre de Mimar Sinan, bien qu'elle soit en ruine , et à la mosquée de Fenari İsa, une église byzantin . Il pensait qu'il était possible d'utiliser l'édifice byzantin comme un édifice archéologique et pittoresque, et de transformer la medrese en lieu d'exposition pour les collections d'histoire naturelle. La vue sur la mosquée de Murat Paşa – qui restait à l'extérieur du parc –, se détachant sur les arbres placés derrière elle, depuis l'entrée du parc en direction d'Aksaray, aurait présenté une autre vue pittoresque dans la perspective de l'avenue Vatan.
Le site du Parc olympique
La partie du parc n° 1 la plus proche des murailles terrestres était réservée aux terrains de sport. Dans les rapports de 1936, Prost évoquait le fait que les Jeux olympiques pourraient être organisés à Istanbul et insistait sur la nécessité d'aménager les aires de sport dans la vallée de Yenibahçe, dans cette perspective. Chargé de déterminer l'emplacement d'un champ de courses, il proposa un lieu au-delà des murailles, toujours dans la vallée de Yenibahçe, préférant aménager le stade olympique et les aires de sport à l'intérieur des murailles. Il pensait que les murailles terrestres en fond de scène constitueraient un décor exceptionnel pour les Jeux . Dans le Plan décennal que Prost prépara en 1943, il mettait de nouveau en évidence l'aménagement des Jeux olympiques à Istanbul et prévoyait le site des Jeux, cette fois, en dehors des murailles, mais toujours dans la vallée de Yenibahçe.

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La place de la République et l'esplanade İnönü à Taksim
Dans le projet de modernisation de la République, les espaces publics étaient considérés comme des aires urbaines dans lesquelles pourraient se développer une vie sociale moderne et des individus en pleine santé, mais également comme des lieux où les valeurs de la République seraient représentées .

L'école française d'urbanisme, dont Henri Prost est l'un des pionniers, reflétait une approche du projet urbain dans laquelle ce type de représentations trouvent leur expression dans la composition urbaine. Ainsi, il répondait aux attentes de l'époque : créer des espaces qui donneraient l'image d'une ville occidentale moderne en Turquie. Dans les années 1930, ceux qui gouvernaient la ville d'Istanbul souhaitaient que la place principale de la ville soit utilisée comme un espace de cérémonie. L'urbaniste français répondit à ces attentes en proposant la création de places monumentales, en ces termes :

« Le 29 octobre 1936, Son Excellence Muhittin Üstündağ m'invitait à assister à la Fête de la République célébrée place de Bayazit.

Le magnifique défilé des troupes fut impressionnant par la belle allure des hommes de toutes armes et par la foi ardente qui animait le peuple, mais cette cérémonie était sans effet spectaculaire par suite des dispositions de la place non conçue pour cette destination.

Aussi, dès cette première prise d'armes, ai-je conclu que la création d'une Place de la Nation s'imposait et j'ai eu l'intuition que l'At Meydan, transformée en Place de la République, serait une digne rivale des plus grandes places du monde (notamment de la Place rouge à Moscou).

Cette place était toute faite ; il suffit de transférer ailleurs les deux Écoles : Commerce et Arts et Métiers, qui en encombrent l'extrémité sud (Documentation note n° 20), et de dégager ainsi l'antique terrasse en hémicycle qui domine le merveilleux paysage de la Marmara. Et cela dans un site unique où s'élèvent Sultan Ahmet, Sainte-Sophie et les témoignages de plus de 2000 ans d'histoire. »

L'idée de transformer la place de Sultanahmet en place de la République apparaît dans le programme du plan directeur de 1937. Prost proposait de construire un monument en hommage à la République, visible de très loin – c'est-à-dire de la mer – qui représenterait sur cette place, avec les édifices aux alentours, les trois ères (byzantine, ottomane et républicaine) d'Istanbul. Cependant, bien que le monument figurâ dans le Plan décennal que Prost avait préparé en 1943, le projet ne put être réalisé, car il était impossible de démolir en aussi peu de temps les deux écoles qui se trouvaient du côté de la mer de Marmara. Néanmoins l'idée de créer une autre place dans les environs du monument de l'Indépendance pour les célébrations de la fête de la République à Taksim a dû prendre forme à la fin des années 1930 :

« Aussi, lorsque le Dr Lütfi Kırdar, nouveau Vali, me demanda ce qu'il faudrait faire pour créer, sans retard, un lieu de rassemblement où le 29 Octobre puisse être célébré avec plus d'ampleur que place de Bayazid, je lui ai proposé de créer la nouvelle place de Taksim avec tribune et terrasse populaire, pour que la foule puisse voir et acclamer le défilé des troupes et cela sans modifier en quoi que ce soit le monument de l'Indépendance.

Les vestiges d'un ancien cimetière, quelques garages dans des abris sordides, une caserne en ruines et quelques magasins et cafés entourant le rond-point du Monument occupaient cet emplacement.

C'était une dépense minime que de niveler l'emprise de la Place projetée – et c'était surtout rapide d'exécution. »

Les dessins d'Henri Prost pour l'aménagement de la place de la République et de l'esplanade İnönü datent de novembre-décembre 1939. Une terrasse donnant sur la place de Taksim et l'esplanade qui la prolonge furent aménagées dans le grand espace généré par la démolition de la caserne de Taşkışla. Les marches qui mènent à l'esplanade İnönü depuis la place de Taksim, comme la large terrasse surélevée accessible par ces marches, furent conçues pour offrir une bonne vue sur les cérémonies qui seraient organisées sur la place et pour former une entrée monumentale au parc. Tout au nord de la place de Taksim, le Grand Théâtre, dont Auguste Perret avait dessiné le projet préliminaire, figurait dans la coupe de l'esplanade İnönü, avec sa façade monumentale .

Dans la version datée de 1939 du projet d'esplanade figuraient deux rangées d'édifices le long des côtés nord et sud du parc. Des deux masses donnant sur la place de Taksim, celle du nord était destinée à l'Hôtel du Parti, celle du sud au Croissant Rouge. Au nord de l'aire de promenade, les blocs de construction comprenaient une salle de concert et de conférence et des galeries destinées à « l'Exposition permanente de la production nationales et régionale, les expositions particulières des Beaux-arts, des Arts décoratifs, de la mode, etc. ». L'esplanade fut conçue comme un espace assurant un large accès aux expositions , le parc qui la prolongeait offrant de l'espace pour les installations plus grandes. Des centres associatifs et des clubs sociaux devraient occuper les édifices donnant sur l'esplanade. Les niveaux inférieurs des bâtiments au sud du parc étaient destinés au commerce, et les étages supérieurs au logement. Séparés par des cours, les édifices qui devraient prendre la place de l'ancienne caserne de Taksim étaient néanmoins reliés par des arcades continues. La forme de l'esplanade İnönü rappelait celle du Palais Royal à Paris, à la différence qu'elle était ouverte aux deux extrémités, sur la place de Taksim à l'est et sur le parc à l'ouest. Dans les années 1942-1943, lors de l'aménagement de l'esplanade, les édifices prévus des deux côtés furent supprimés pour élargir le parc et les terrasses destinées à la promenade.

Après la terrasse d'entrée accessible du côte de Taksim par un emmarchement constituant une tribune, le parc se poursuivait par une esplanade à la composition géométrique et se terminait par le jardin de Taksim. Dans les dessins de 1939, l'urbaniste prévoyait une statue équestre du président de la République İsmet İnönü se détachant sur le fond vert du jardin de Taksim dans l'axe de symétrie de l'entrée. Dans une vue axonométrique de 1942 cette statue était placée au milieu de la plateforme d'entrée surplombant Taksim. Elle ne fut cependant jamais mise en place.

En contraste avec la géométrie de l'esplanade, le jardin de Taksim était conçu selon une composition libre avec des allées sinueuses. Le Club municipal de Taksim (Taksim Gazinosu), conçu par Rüknettin Güney dans un style moderne, fut construit au nord-est du jardin.

Le jardin de Taksim fut relié au parc n° 2 par une passerelle piétonne construite pour l'exposition de 1949. Ainsi fut créée, au milieu du nouveau quartier d'habitation, une promenade qui n'était pas interrompue par le trafic motorisé. Henri Prost considérait la réalisation de cette série de parcs, menée sabs altération du projet, comme une réussite du préfet et maire d'Istanbul, Lütfi Kırdar :

« C’est ainsi, avec une sollicitude de tous les instants, que Dr Lütfi Kırdar fit exécuter successivement la place, la terrasse, l’esplanade, puis le parc n° 2, vaste ensemble formant la véritable poumon des nouveaux quartiers de Pangaltı et de Maçka. »

Cependant, recevant pendant les travaux des commentaires élogieux de la part de milieux divers, l'aménagement de la place de Taksim et de l'esplanade İnönü suscita ensuite des critiques. Plusieurs journaux publièrent des articles regrettant que ces aménagements soient réalisés dans les nouveaux quartiers de Taksim et non dans le Vieil Istanbul . En réponse à cela, les quelques mots inscrits par l'urbaniste au dos d'une photographie prise un dimanche de novembre 1944 sur l'esplanade İnönü est significative : « Le Luxembourg d’Istanbul – L’esplanade jardin créé à Péra – La réponse des mères et des enfants à la question posée à l’urbaniste : “À quoi serviront tous ces jardins“ ? »

À cette époque, outre les grands parcs, de nombreux petits parcs de quartiers et des jardins pour enfants furent réalisés.

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Le parc n° 2
Dans le plan directeur de Beyoğlu, la vallée profonde qui s'étend entre Dolmabahçe, Maçka et Harbiye était réservée à une grande zone verte au milieu de la nouvelle zone résidentielle. Prost décrivait ce parc comme le « Bois de Boulogne de Taksim » et le « poumon » des nouveaux quartiers d'habitation de la rive européenne. L'urbaniste accorda une attention particulière à l'aménagement des voies de transports et des voies de promenade qui traversaient cette zone donnant sur la « vue magnifique du Bosphore ». La partie supérieure du parc remplaçait l'ancien cimetière arménien de Surp Agop. Dans une note datée du 10 décembre 1936, Prost proposait de supprimer ce cimetière puis de construire une zone résidentielle entre Taksim et Maçka, ainsi qu'un parc dans la vallée . À l'exception de l'usine à gaz de Dolmabahçe, le terrain n'était occupé que par des jardins et des potagers. Dans le plan au 1/2000e du parc n° 2, d'avril 1938, l'urbaniste dessina des voies pour relier la corniche inférieure le long du Bosphore et la corniche supérieure qui s'étend de Taksim vers le nord. Il disposa un théâtre de plein air dans la zone comprise entre Taşkışla (l'actuelle Université technique d'Istanbul) et l'École d'ingénierie de Gümüşsuyu, ainsi qu'une zone d'exposition et un parc d'attractions à l'est d'Harbiye. Entre la mosquée de Dolmabahçe et la Tour de l'Horloge, il aménagea un quai de réception pour l'accueil des « hôtes illustres » et les cérémonies .

La note manuscrite d'Henri Prost dans le coin inférieur droit du plan doit retenir notre attention : « Dispositif général en vue de la commémoration du passage de la flotte du Conquérant [le sultan Mehmet II] – du Bosphore dans la Corne d'Or ». Tout au long de la vallée de Dolmabahçe à Harbiye, une large bande verte et certains « motifs décoratifs » devraient faire référence à cet épisode historique .

Au sud du parc n° 2, une promenade verte s'étirait de Harbiye jusqu'au jardin de Taksim. Ainsi se trouvaient agencés une promenade de 1.500 mètres et un parc d'environ 30 hectares. Avec la plantation des arbres, l’aménagement de la promenade et du parc étaient largement menés à bien à la fin du printemps 1948 .

La construction dans le parc du stade de Dolmabahçe, du Palais des sports et des expositions et du théâtre de plein air fut décidée après coup. Prost ne trouvait pas opportun de construire le stade à Dolmabahçe, et suggéra Yenibahçe pour l’emplacement du stade olympique. Cependant, se conformant aux décisions des autorités, il aménagea les environs du stade d’Inönü en tenant compte du projet de l’architecte italien Paolo Vietti Violi. Prévu dés le plan d'origine, le théâtre de plein air changea d'emplacement et fut réalisé d'après le projet de Nihad Yücel et Nahid Uysal, choisi à l'issu d'un concours national d'architecture. Le Palais des sports et des Expositions, qui allait prendre le nom du maire et préfet d'Istanbul Lütfi Kırdar, fut construit par Paolo Vietti Violi, Şinasi Şahingiray et Fazıl Aysu en 1947 et inauguré en 1949. Bien que prévu, le transfert de l'usine à gaz ne pu être effectuée immédiatement . Le parc n° 2, qui joue toujours son rôle de « Vallée des Congrès » et d'aire de loisirs et de culture importante dans la ville, a malheureusement perdu beaucoup de son caractère de promenade du fait de construction nouvelles, de voies rapides et de tunnels.

Prost prévoyait d'étendre l'avenue Vali Konağı ainsi qu'une bande verte le long de cette avenue jusqu'à la vallée d'Ihlamur et de relier les promenades avec l'entrée supérieure du parc de Yıldız. Il n'a cependant pas pu réaliser ces projets. Le bois de Yıldız fut cédé à la ville et ouvert au public en 1940. À cette époque, les bois de Mirgün, de Suphi Paşa à Küçük Çamlıca, de Hidiv Abbas Hilmi Paşa à Çubuklu, rachetés par la ville, furent eux aussi aménagés en parcs publics . La conservation et l'ouverture des bois le long du Bosphore était un des soucis prioritaires de Prost.

L'idée de protéger l'ensemble « pittoresque » de la nature et des valeurs historiques d'Istanbul apparaît chez Prost comme un principe prioritaire de la planification des deux côtés européen et asiatique d'Istanbul et des rives du Bosphore.

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Le réaménagement des rives de la mer de Marmara et l'Exposition universelle de 1953
Dès le début de ses travaux d’urbanisme à Istanbul, Henri Prost avait souligné la vue extraordinaire sur la mer de Marmara dont jouissait la péninsule historique et avait insisté sur la nécessité de penser l’aménagement de cette zone en fonction de cette particularité. À cet effet, il proposa d’enfouir la voie ferrée, qui serait réservée au trafic de banlieue, entre Yenikapı (l’emplacement qu’il préconisait pour la gare internationale) et Sirkeci. Il envisagea aussi d’aménager à Yenikapı une place en hauteur, l’esplanade Atatürk, et une promenade entre cette place et Kadırga. Cette bande, que Prost comparait à la Promenade des Anglais de Nice, devait constituer un belvédère et une promenade appréciés des habitants. Il prévoyait de transformer les abords de cette voie côtière en une zone résidentielle de luxe. Cependant, la très petite taille des parcelles, la présence d’entrepôts et d’autres installations gênantes ne permirent pas une telle transformation. L’autre problème était la nécessité de déplacer les habitants des quartiers considérés. L’urbaniste chercha différentes solutions pour la « gentrification » qu’il envisageait entre Kadırga et Yenikapı : il proposa la création d’associations de propriétaires pour consolider les propriétés, et pensait transférer les habitants de la zone dans les nouveaux quartiers d’habitations à bon marché qu’il prévoyait le long des murailles du côté de Yedikule .

Parmi les activités  du Plan décennal que l’urbaniste proposa en 1953 pour les manifestations du 500e anniversaire de la conquête d’Istanbul par Fatih (le sultan Mehmet II) figuraient les Jeux olympiques et l’Exposition universelle. Prost s’intéressa à l’apport des expositions internationales dans la réalisation de projets à grande échelle à Paris, à Londres et plus récemment à New York et dans des villes de Belgique. Il s’attarda sur leur rôle dans la transformation de zones peu développées de la ville, surtout dans le cas de « la triomphale Exposition de Barcelone ». Il explique comment cette dernière est devenue une « féerie » avec des jeux d’eaux et de lumière. Prost réorganisa la bande côtière entre Kadırga et Samatya pour l’Exposition universelle. Comme dans les grandes villes mentionnées, il prévoyait des expropriations qui permettraient de transformer la zone choisie pour l’exposition . Cette zone avait également un accès direct à l’aéroport de Yeşilköy, aux routes de Londres-Ostende et à la gare ferroviaire. Les touristes pourraient ainsi facilement rejoindre la zone d’exposition.

Dans le plan « Exposition universelle de 1953 » au 1/2000e, une esplanade, s'étendant jusqu'à la mer dans la continuation du boulevard Atatürk, formait l'entrée principale à la zone et l'axe de symétrie de l'aménagement. Des deux côtés de cet axe médian se trouvaient un palais des congrès, des salles d'expositions pour les beaux-arts et d'autres domaines, et un office de tourisme. Les pavillons des pays étrangers s’étendaient vers l’est. De l’autre côté, dans un « quartier historique » aux environs de Küçük Ayasofya, se trouvaient  rassemblés les ruines de la période byzantine, un marché turc, une rue turque, ainsi que des aires pour les sports traditionnels comme le javelot et la lutte. À l’ouest de cette zone, de grands bâtiments d’expositions pour les produits industriels furent construits. Un panorama, un parc d’attractions débordant sur la mer, un aquarium, une piscine en plein air, un centre des sports de la mer ainsi qu’une marina constituaient les sites de loisirs placés au centre de la zone d’exposition. La voie ferrée devait être déplacée vers le nord de la zone d’exposition et un « boulevard du Front de Mer » créé le long de la mer de Marmara. Une ligne de métro permettait l’accès à cette zone à l’entrée de Yenikapı. Un dessin d’Henri Prost daté de 1949 prévoit l’aménagement d’un belvédère et d’un aéroport pour hydravions dans la zone côtière où le boulevard Atatürk rejoignait la mer de Marmara.

Il était prévu que les voies et les autres infrastructures construites pour l’exposition desservent la nouvelle zone résidentielle qui serait créée dans la zone à la fin de l’exposition. Si les bâtiments pour les expositions temporaires devaient être détruits, ceux destinés au sport et les principaux édifices culturels resteraient en place.

Durant cette période, aucune demande d’exposition pour Istanbul ne fut déposée auprès du Bureau des Expositions internationales (BIE) ; l’idée d’aménager un parc de la culture à Yenikapı resta néanmoins d’actualité un certain temps en tant que projet inspiré par le projet d’exposition de Prost .

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F. Cânâ Bilsel
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C. Bilsel, H. Zelef, « Mega Events in Istanbul from Henri Prost’s master plan of 1937 to the twenty-first-century Olympic bids », Planning Perspectives, vol. 26, n° 4, octobre 2011, pages 621-634.
C. Bilsel, H. Zelef, « Mega Events in Istanbul from Henri Prost’s master plan of 1937 to the twenty-first-century Olympic bids », Planning Perspectives, vol. 26, n° 4, octobre 2011, pages 621-634.
C. Bilsel, H. Zelef, « Fairy Tales : Turkey’s Prospects for World Fairs, Projects for Izmir and Istanbul », 20th century Great Events Architecture, Planning, Urban Development. International Symposium, Milan, 2-3 avril 2009, Dipartimento di Architettura e Pianificazione Facoltà di Architettura e Società, Politecnico di Milano.
H. Prost, « Mémoire n° 9. Exposition universelle 1953 », Les transformations d'Istanbul. VII. Vieil Istanbul, pages 217-218 (Académie d'architecture/Archives d'architecture du XXe siècle, Cité de l'architecture et du patrimoine, fonds Henri Prost HP.ARC.30/1).
H. Prost, « Expropriations et relogement de la population expropriée », Les transformations d'Istanbul. VII. Vieil Istanbul, pages 201-204 (Académie d'architecture/Archives d'architecture du XXe siècle, Cité de l'architecture et du patrimoine, fonds Henri Prost HP.ARC.30/1).
Municipalité d’Istanbul, Güzelleşen İstanbul, XX. Yüzyıl, Istanbul Maarif Matbaası (Istanbul 1944).
Prost, « Les transformations d’Istanbul », communication présentée devant l’Académie des Beaux-arts à Paris le 17 septembre 1947, page 22.
H. Prost, « Les transformations d’Istanbul », communication présentée devant l’Académie des Beaux-arts à Paris le 17 septembre 1947, pages 21-22.
Prost eut un entretien avec les « Hautes Autorités » le 10 juin 1939 à Ankara pour recueillir leur avis. H. Prost, Les Transformations d’Istanbul. VIII. Pera-Galata, page 10 (Académie d'architecture/Archives d'architecture du XXe siècle, Cité de l'architecture et du patrimoine, fonds Henri Prost HP.ARC.30/1).
Alors que le plan prévoyait la continuité d’une bande verte allant de Harbiye à la Corne d’Or, elle n’a jamais été réalisée en raison du coût des expropriations auxquelles il aurait fallu procéder pour aménager la zone entre l’avenue Vali Konağı et celle de Şişli.
Le port et la place furent aménagés et devinrent accessibles durant l’année 1947.
H. Prost, « Aménagement des quartiers Taxim-Maçka par la mise en valeur des terrains du cimetière arménien » (note n° 16, 10 décembre 1936), Les transformations d'Istanbul. I. Documentation 1936-1938, pages 59-60 (Académie d'architecture/Archives d'architecture du XXe siècle, Cité de l'architecture et du patrimoine, fonds Henri Prost HP.ARC.30/1).
Après la fin du chantier et l’inauguration de l’esplanade İnönü, des citations de la presse écrite apparaissent dans l’ouvrage publié par la municipalité d’Istanbul pour fêter le 20e anniversaire de la République, Güzelleşen İstanbul, Istanbul Maarif Matbaası (Istanbul 1944) :  « une belle œuvre d’urbanisme » (Fatih Rıfkı Atay, Ulus), « La plus grande réussite de Lütfi Kırdar » (Ekrem Uşaklıgil, Son Posta), ou encore « L’esplanade d’İnönü, une œuvre d’énergie savante, émotionnelle et amusante » (Seyfi Arkan, Cumhuriyet).
H. Prost, Les Transformations d’Istanbul. VIII. Pera-Galata, page 3 (Académie d'architecture/Archives d'architecture du XXe siècle, Cité de l'architecture et du patrimoine, fonds Henri Prost HP.ARC.30/1).
H. Prost, Les transformations d'Istanbul. I. Documentation 1936-1938, page 84, note 36 (Académie d'architecture/Archives d'architecture du XXe siècle, Cité de l'architecture et du patrimoine, fonds Henri Prost HP.ARC.30/1).
Henri Prost est à l’origine de la prise de contact avec Auguste Perret pour la préparation d’un projet d’opéra à Taksim. Cependant il pensait qu’il était préférable de construire un théâtre plutôt qu’un opéra qui ne donnait pas lieu à des manifestations permanentes susceptibles de rendre vivante une grande place comme celle de Taksim. Il proposa donc, dans un rapport, de construire plutôt à cet endroit une Maison de la Radio.
H. Prost, Les Transformations d’Istanbul. VIII. Pera-Galata, pages 2-3 (Académie d'architecture/Archives d'architecture du XXe siècle, Cité de l'architecture et du patrimoine, fonds Henri Prost HP.ARC.30/1).
H. Prost, « Note au sujet du port d’Istanbul Rive Européenne » (note n° 10, 22 novembre 1936), Les transformations d'Istanbul. I. Documentation 1936-1938, pages 53-54 (Académie d'architecture/Archives d'architecture du XXe siècle, Cité de l'architecture et du patrimoine, fonds Henri Prost HP.ARC.30/1).
H. Prost, Les Transformations d’Istanbul. VIII. Pera-Galata, pages 1-2 (Académie d'architecture/Archives d'architecture du XXe siècle, Cité de l'architecture et du patrimoine, fonds Henri Prost HP.ARC.30/1).
İ. Akpınar, « İstanbul’u (yeniden) inşa etmek  : 1937 Henri Prost Planı », E. Altan Ergut, B.İmamoğlu, Cumhuriyet’in Mekânları, Zamanları, İnsanları, ODTÜ, Mimarlık Fakültesi Yayınları, Dipnot (Ankara 2010).
L’Association des Amis d’Istanbul et le Touring Club ont œuvré pour la restauration de la mosquée de Selim. H. Prost, Les transformations d'Istanbul. VII. Vieil Istanbul, pages 170-171 (Académie d'architecture/Archives d'architecture du XXe siècle, Cité de l'architecture et du patrimoine, fonds Henri Prost HP.ARC.30/1).
H. Prost, Les transformations d'Istanbul. VII. Vieil Istanbul, page 127, note n° 209 (Académie d'architecture/Archives d'architecture du XXe siècle, Cité de l'architecture et du patrimoine, fonds Henri Prost HP.ARC.30/1).
Avec la percée de l’Avenue Vatan jusqu’aux murailles durant le mandat du premier ministre Adnan Menderes, les deux côtés de cette voie furent ouvertes à la construction. H. Prost, Les transformations d'Istanbul. VII. Vieil Istanbul, page 123, note n° 209 (Académie d'architecture/Archives d'architecture du XXe siècle, Cité de l'architecture et du patrimoine, fonds Henri Prost HP.ARC.30/1).
H. Prost, Les transformations d'Istanbul. VII. Vieil Istanbul, pages 123-124 et 171 (Académie d'architecture/Archives d'architecture du XXe siècle, Cité de l'architecture et du patrimoine, fonds Henri Prost HP.ARC.30/1).