MAISON DU PEUPLE, CLICHY
par Leïla Beloucif
Études de faisabilité
Les programmes envisagés n'ayant pas aboutis, la redéfinition d'une programmation future reste alors posée. Outre les contraintes urbaines de desserte et de stationnement, la difficulté principale est davantage liée à la compatibilité du bâtiment avec les nombreux aménagements proposés. J'ai par conséquent choisi d'étudier la faisabilité des deux derniers programmes envisagés, à savoir une médiathèque / centre d'archives et une salle polyvalente, dans les tableaux comparatifs suivants, autour de cinq principaux axes :
1.
La capacité portante : vérification de la compatibilité de la structure dans son état actuel avec les nombreux aménagements, du point de vue de la charge admissible requise pour chaque programme et de la capacité portante des planchers et de la surcharge d'exploitation admise (daN/m²). Proposition de renforcement et élaboration de solutions techniques adaptées.
2.
Le programme : comparaison des surfaces minimum nécessaire à chaque programme et proposition d'hypothèses d'aménagement.
3.
La sécurité incendie : mise en conformité du bâtiment aux normes actuelles de la règlementation de la sécurité incendie dans les Établissement Recevant du Public (ERP), pour les établissements de type S - centre d'archives - et de type L - salles polyvalentes - (stabilité au feu, issues, unités de passages, désenfumage…).
4.
L'accessibilité PMR : concerne la mise en conformité de l'ERP afin de le rendre accessible aux Personnes à Mobilité Réduite
.
5.
Les exigences techniques de confort : cette partie est relative à la nature des espaces nécessaires du point de vue de leur exigences fonctionnelles (éclairage naturel ou artificiel, général ou ponctué, latéral ou zénithal, nécessité de mise en place de dispositif d'occultation performants, chauffage / ventilation, traitement acoustique des parois…).
1. Charge admissible
Médiathèque / Centre d'archives & Salle polyvalente
La charge admissible elle est de 400 daN/m² pour les deux programmes envisagés.
D'après l'étude effectuée par le bureau d'étude Tecne
, la capacité portante de la partie centrale du plancher du 1er étage (plancher mobile) est de 600 daN/m², ce qui est suffisant par rapport à la charge admissible requise.
Cependant, au niveau des galeries (plancher fixe), d'après la méthode des abaques, la capacité n'est pas suffisante et s'élève à environ 280 daN/m². Il s'agit alors de renforcer les profilés HEA 600 existants au niveau des galeries ainsi que les profilés HEA 400 du plancher central afin de les rigidifier dans le cas où les poteaux intermédiaires du rez-de-chaussée seraient supprimés.
Solution n° 1 :
suppression de poteaux intermédiaires mis en place entre 1969 et 1971, tout en conservant la chape armée assurant à la structure une bonne stabilité au feu. On met également en place des poutres métalliques au niveau de chaque plancher, similaire aux poutres de rives, afin de les rigidifier.
Solution n° 2 :
consolidation des profilés métalliques existants HEA 400 par l'adjonction de plats par boulonnage au niveau des âmes des profilés.
Solution n° 3 :
consolidation des profilés métalliques existants HEA 400 par l'adjonction de profils soudés au niveau de la semelle inférieure.
Conséquences solution n° 1 :
- cette hypothèse peut permettre de retrouver la mobilité du plancher ;
- elle induit cependant la mise aux normes des éléments de cinématique et de l'armoire à planchers ;
- elle induit également le renforcement du transbordeur et de l'armoire à plancher, du fait du poids des nouvelles poutres intermédiaires ;
- elle permet de retrouver un revêtement souple dans la grande salle, comme à l'origine ;
- elle permet de retrouver une plus grande portée et un plan libre au RDC ;
- le fait de conserver la chape armée au premier étage, permet de pallier au problème de propagation du feu ;
- solution onéreuse.
Conséquences solution n° 2 :
cette solution, si elle s'avère suffisante, éviterait la mise en place d'une structure secondaire et permettrait de ne pas beaucoup toucher et dénaturer la structure existante.
Conséquences solution n° 3 :
cette solution augmenterait les retombés de poutres en RDC.
2. Programme
Médiathèque / Centre d'archives
Surface minimum nécessaire : environ 7km linéaire de rayonnage
(archives), ou 2350 m² + 30% supplémentaire pour les espaces servants
(médiathèque).
Capacité d'accueil : 200 places (médiathèque).
La surface n'est pas suffisante pour stocker l'ensemble des archives d'architecture du XXe siècle. En effet, ce bâtiment ne pourrait accueillir que 12.500 mètres linéaires de rayonnage fixes , sans compter les surfaces réservées aux espaces servants et aux salles de consultation. Il pourrait cependant être envisageable de conserver le centre d'archives actuel, rue de Tolbiac et de faire de la Maison du peuple une annexe ou inversement.
Conséquences :
- les espaces en seraient compartimentés, du fait des surfaces de stockages et consultation ;
- cela induirait des aménagements qui ne seraient pas en adéquation avec l'usage d'origine du lieu ;
- cette programmation ne correspond pas à la polyvalence de la grande salle (point fort du bâtiment) ;
- suppression de l'activité de marché en RDC ;
- intégration d'un système de monte-charge ou adaptation du monte-charge existant (marché).
Salle polyvalente
Surface minimum nécessaire : 1.821 m², regroupant salle de spectacle et accueil du public (1.380m²), locaux annexes (378m²) et administration (63m²)
.
Capacité d'accueil : de 420 places à 1.200 places maximum.
La surface totale des plancher vacants s'élève à environ 2.000 m², sans compter le niveau du RDC ce qui constitue une surface largement suffisante pour accueillir une salle polyvalente. Les espaces annexes ainsi que l'administration pourraient être aménagés dans les étages supérieurs (2e et 3e étages).
Conséquences :
- bien qu'il s'agisse de retrouver l'usage initial de la Maison du peuple, ce programme impliquerait d'importantes mises aux normes du bâtiment (sécurité incendie, accessibilité PMR, isolation thermique et phonique,…) ;
- du fait de l'importance des surfaces que les deux programmes requièrent (centre d'archives et salle polyvalente), il serait difficile de conjuguer les deux activités au sein du bâtiment comme le suggère la programmation de centre culturel, effectuée en février 2010.
3. Sécurité incendie
Médiathèque / Centre d'archives
ERP, type S : bibliothèque, centre de documentation et de consultation d'archives.
Les établissements de type S sont considérés comme des établissements à risques particuliers.
Les issues ne doivent pas être distantes de plus de 30 mètre, mesurés dans l'axe des circulations.
Salle polyvalente
ERP, type L : salle à usage d'audition, de conférences, de réunion, de spectacles ou à usages multiples.
1. Salle polyvalente : 1 personne/m² de la surface totale de la salle, soit une capacité totale maximale d'environ 1.200 personnes.
2. Selon la règlementation de sécurité incendie (co 38 et co36), il faut prévoir 4 dégagements pour un effectif compris entre 1.000 et 1.500 personnes. Avec un nombre requis d'unités de passage de 12, c'est-à-dire : 12 x 0.6 mètres = 7.2 mètres, or la salle totalise une largeur de 18.52 m, ce qui est amplement suffisant.
3. Stabilité au feu de la structure métallique : mise en place d'une peinture intumescente en 1995, offrant au bâtiment une stabilité au feu 1 ou 2 heures, mais cette peinture à une validité de 10 ans, elle est par conséquent caduque aujourd'hui et nécessite d'être renouvelée.
4. Désenfumage : cette partie est commune aux deux programmes.
Pour ce type d'établissement (type L), le désenfumage n'est pas forcément automatique et peut-être manuel.
Des ouvertures ont été réservés en toiture lors de la restauration afin d'y accueillir les futures exutoires.
Décomposer le bâtiment en plusieurs parties homogènes, afin d'optimiser le désenfumage des espaces. (en fonction des différentes hypothèses d'aménagements cités : toute surface pouvant être isolée du reste doit faire l'objet d'un désenfumage).
Conséquences :
- mise en place de percements en toiture ;
- suppression de la séparation horizontale qui a été ajoutée entre le comble vitré et la salle afin de pouvoir intégrer des exutoires en toiture (comble roulant).
5. Désenfumage bloc-scène : 2 exutoires minimum, distants d'au moins 8 mètres des baies voisines. Ils doivent être d'une section sensiblement de même valeur. Les ouvrants en façades peuvent exceptionnellement être admis, sous réserve qu'ils soient répartis sur 3 faces au moins et qu'ils aient sensiblement la même section.
Les exutoires de désenfumage ont été difficiles à positionner du fait de la proximité des baies environnantes. C'est pour cette raison que je propose deux hypothèses.
6. L'espace scénique doit être isolé des autres locaux et du bloc-salle. Une communication ne peut s'effectuer que par l'intermédiaire d'un sas muni de deux portes PF de degrés ½ heure, équipés d'un ferme-porte. Ces portes doivent s'ouvrir vers l'intérieur de sas.
Conséquences :
un rideau pare-flamme de degrés ½ heure suffirait à isoler la scène vis-à-vis de la salle en cas d'incendie car on peut considérer l'espace scénique comme intégré à la salle si ces deux espaces sont désenfumés séparément.
4. Accessibilité PMR
Médiathèque / Centre d'archives & Salle polyvalente
L'accès à l'établissement est soumis à des aménagements particuliers relatifs aux normes de la réglementation PMR dans les ERP.
Il doit être prévu :
- construction de rampes ou d'ascenseurs ;
- passages des portes suffisamment larges, 83 m, avec une largeur de couloirs de 1.20m ;
- le système d'ouverture des portes est utilisable en position « debout » comme en position « assis » ;
- des sanitaires adaptés aux dimensions et à l'utilisation des PMR.
Les circulations intérieures verticales doivent répondre aux dispositions suivantes :
- toute dénivellation des circulations horizontales supérieure ou égale à 1,20 m détermine un niveau décalé considéré comme un étage ;
- lorsque le bâtiment comporte un ascenseur, tous les étages comportant des locaux ouverts au public doivent être desservis
.
Conséquences :
- accès dissocié de l'accès principal ;
- réaménagement des locaux au RDC ;
- agrandissement des ouvertures (porte actuelle 0.75m) d'accès à la salle au 1er étage) ;
- aménagement de la fausse de l'ascenseur au niveau des locaux techniques au sous-sol ;
- le positionnement de l'ascenseur définit un sas, à condition que la cloison soit coupe-feu 1h ;
- permet de desservir les différents étages de bureaux, par le biais de l'aménagement d'une passerelle
en hauteur dans l'espace scénique.
Conséquences :
- permet de regrouper les accès en un seul (principal & PMR) ;
- accès direct sur la grande salle ;
- fort impact visuel au niveau de la grande salle ;
- aménagement de la fosse de l'ascenseur au sous-sol au niveau de l'abri anti-aérien ;
- possibilité d'utiliser le balcon comme compartiment PMR en cas d'incendie, à condition que les parois vitrées soient coupe-feu 1h.
5. Exigences techniques de confort
Médiathèque / Centre d'archives
1. La lumière naturelle et artificielle
La lumière naturelle contient une partie non négligeable de rayons ultraviolets néfastes pour les matériaux organiques qui entrent dans la composition de la grande majorité des documents. Ils doivent par conséquent être éliminés pour éviter des dégradations irréversibles. Ils le sont aisément par l'intermédiaire de films autocollants pour les vitrages ou, dans notre cas, par le verre feuilleté, comme celui utilisé lors de la restauration des façades de la grande salle (verre feuilleté STADIP) qui peut éliminer 95% du rayonnement UV. De la même manière, il convient de réduire au maximum le rayonnement infrarouge de la lumière naturelle, possible grace aux équipements complémentaires comme l'usage de films ou de vitrages à protection solaire, mais aussi par l'intermédiaire des stores roulants déjà en place. Pour les sources artificielles, l'éloignement des sources lumineuses de documents est la meilleure des solutions.
2. Température et humidité relative
La conservation des archives demande une certaine stabilité climatique : rapport humidité / température. Si la température augmente, l'humidité relative diminuera et, à l'inverse, une baisse de la température entraînera une hausse de l'humidité relative. C'est ainsi qu'en hiver le taux d'humidité peut être plus élevé sans dommages si parallèlement la température ambiante est plus basse. À l'inverse, en été la température intérieure peut monter si l'humidité relative en valeur basse est maintenue
.
Il s'agit donc de garantir la stabilité à court terme (à l'échelle quotidienne), tout en acceptant une variabilité à long terme (sur toute l'année).
Afin de garantir une bonne conservation des documents, en complément d'une intervention sur l'isolation thermique et d'un positionnement stratégique des magasins de stockage à l'intérieur du bâtiment, il conviendrait de mettre en place un système de chauffage des magasins équipés de dispositifs de régulation thermique et un brassage homogène de l'air par ventilation mécanique, ainsi qu'un système de climatisation ayant une capacité de déshumidification (période estivale) et d'humidification (période hivernale) essentiellement dans les espaces de stockages et magasins, mais aussi dans les salles de consultation pour un confort des usagers.
Salle polyvalente
1. La lumière naturelle et artificielle
La salle polyvalente peut être utilisée de jour comme de nuit ce qui implique une bonne maitrise de l'ensoleillement et de l'éclairage naturel et artificiel de l'édifice.
2. Température et humidité relative
Une isolation thermique, chauffage et ventilation du bâtiment, afin d'obtenir et de conserver une température convenable comprise entre 15°c et 20°c.
3. L'acoustique
Une isolation phonique efficace et une remise aux normes selon la réglementation acoustique afin de satisfaire une bonne homogénéité des sons dans la salle et de ne pas générer des nuisances pour le voisinage :
- limitation du niveau de pression acoustique dans la salle à 105 dB
;
- émergence admissible en façade bâtiment voisin limité à 5 dB (en journée) et 3 dB (nuit)
;
- émergence admissible dans les locaux mitoyen (RDC) 3 dB.
Dans ce sens, le bureau d'études LASA
, chargée de cette étude préconise :
- cloisonnement des escaliers (cloison opaque ou vitrée fixe, parois opaque ou vitrée mobile) ;
- renforcement des façades opaques par la mise en œuvre d'un doublage constitué d'un parement plaques de plâtre ou tôle acier sur ossature indépendant des parois doublées ;
- renforcement de la toiture : mise en œuvre d'un plafond suspendu isolant constituée d'un parement plaques de plâtre ou de tôle acier sur ossature, désolidarisée de la toiture ; remplacement du vitrage de la verrière mobile par un vitrage acoustique performant ;
- renforcement du plancher bas par la mise en œuvre d'une recharge béton ou d'une dalle flottante béton sur boîte à ressort ;
- renforcement des façades vitrées par la mise en œuvre d'une seconde façade intérieure à 50 cm de la façade existante : rideaux translucide ou opaque (solution légère), façade vitrée fixe ou paroi mobile opaque ou vitrée (solution Lourdes) ;
- remplacement de la paroi mobile existante par une paroi mobile plus performante ou alors dépose uniquement des parements de la cloison mobile existante et adaptation des parements plus performants dans le système existant.
Conséquences :
- la mise en place de panneaux acoustiques absorbants (faux plafonds et parois mobile), afin d'absorber le bruit et réduire les réverbérations, induirait le remplacement des matériaux actuels du monument classé, qui a déjà subi de nombreuses altérations réduisant son authenticité ;
- la transformation effectuée lors de la restauration des façades de la grande salle et le remplacement du simple vitrage armée par un double vitrage feuilleté, avec la restitution plus tard du rhodoïd, ne suffirait-elle pas à améliorer le confort acoustique de la salle et à limiter les émergences admissibles transmises au voisinage, au lieu de doubler la paroi extérieur comme le suggère le bureau d'études LASA ?
Conclusion
Les programmes envisagés jusqu'à présent et mon étude de faisabilité me mènent à me questionner sur la réelle polyvalence de la Maison du peuple et des projets envisageables.
Ci-dessous un tableau comparatif des compatibilités de certaines activités, vis à vis de la surface, de la capacité d'accueil, de la capacité portante et de l'isolation thermique et acoustique, et l'impact que cela aurait en l'état actuel du bâtiment.
ACTIVITÉS |
CRITÈRES DE COMPATIBILITÉ |
CONSÉQUENCES |
Surface |
Capacité d’accueil |
Capacité portante |
Isolation thermique |
Isolation acoustique |
Authenticité matérielle |
Authenticité spatiale |
Salle polyvalente (spectacle) (type L) |
+++ |
+++ |
+ |
++ |
+ |
+ |
+++ |
Bibliothèque / archives (type S) |
+ |
++ |
+ |
+ |
++ |
++ |
+ |
Musée (type Y) |
++ |
+++ |
++ |
+ |
+++ |
+++ |
++ |
Salles d’exposition / salons / foires (type T) |
+++ |
++ |
++ |
++ |
++ |
++ |
+++ |
Restauration (type N) |
+++ |
+++ |
++ |
+++ |
++ |
++ |
+ |
Établissement sportif (type X) |
++ |
++ |
+ |
++ |
+ |
+ |
++ |
Marché / centre commercial (type M) |
+++ |
+++ |
+ |
+++ |
++ |
++ |
++ |
Administration / bureaux (type W) |
++ |
+++ |
+++ |
+ |
+++ |
++ |
+ |
+++ Fortement compatible |
++ Moyennement compatible |
+ Peu compatible |
Au vu de l'impact de certains programmes sur l'authenticité du bâtiment, j'arrive à la conclusion que dans l'état actuel il est très difficile de conserver à la fois son authenticité matérielle et spatiale.
Il s'agira alors de faire un compromis :
- soit mettre aux normes le bâtiment avec tous les sacrifices que cela entend niveau restauration des matériaux, mais qui permettrait de retrouver la vocation et la réouverture de l'établissement ;
- soit conserver au maximum ce bâtiment classé dans ses matériaux et dispositifs d'origine, mais en adaptant une nouvelle fonction moins contraignante au niveau fonctionnel et acoustique qu'une salle polyvalente : un usage de type espaces d'exposition ou musée par exemple.
Annotations des schémas réalisées par Leïla Beloucif.
Sources iconographiques pour les schémas :
- plans réalisés par Jocelyn Forest & associés, géomètres, avril 2008 ;
- coupes réalisées par Sylvain Le Stum, architecte ;
- plans numérisés de l'état actuel réalisés par l'ACMH, Hervé baptiste, 1991 ;
- documents réalisés par les étudiants du DSA Architecture et Patrimoine, dans le cadre de leur atelier de 2e année.