MAISON DU PEUPLE, CLICHY
par Leïla Beloucif
La Maison du peuple, prototype industriel
La Maison du pleuple est issue d'une pensée technique liée à la préfabrication et l'industrialisation du bâtiment dont les formes ont été modestement inventées par Jean Prouvé avec les matériaux et machines dont il disposait au sein de son atelier. Chaque élément de ce bâtiment a fait l'objet de recherches et de dessins préparatoires afin de correspondre au mieux au rôle recherché. Les éléments de façade par exemple, composés de panneaux pleins ou avec des fenêtres intégrées, sont intégralement fabriqués en usine et leur tôle extérieure répond à deux fonctions : elle est pliée et bombée afin de pouvoir subir sans dommages les variations de température, et grâce au pliage de cette tôle, le panneau est capable de résister aux forces horizontales et à la flexion.

Jean prouvé revendique par ailleurs le fait que la Maison du peuple soit un prototype industriel et non un objet industrialisé, loin du système de préfabrication du bâtiment utilisant des éléments répétitifs aboutissant à l'uniformisation.

La Maison du peuple représenterait alors une rupture sur le plan esthétique : « […] fabriquée comme une machine, elle renvoie à l'esthétique de la machine », selon Béatrice Simonot.
La seule référence à l'architecture du passé sera suggérée par Marcel Lods rappelant l'architecture gothique qui, par l'allégement de la structure, a permis
d'accroître la dimension des ouvertures et de faire entrer la lumière dans l'édifice.

Jean Prouvé l'évoque ainsi : « Je n'ai pas inventé une Architecture, je l'ai faite. Je n'ai pas inventé des formes, j'ai fait une Architecture qui avait des formes. Je l'ai faite en tôle pliée, parce que j'avais de la tôle, et des presses pour la plier. C'est aussi simple que cela […] C'est que je faisais moi-même les dessins qui conduisaient à leur exécution, je connaissais les machines, savais ce qu'elles pouvaient ou non faire ; il me fallait trouver le point de jonction juste entre les possibilités immenses de la machine et le résultat précis que j'en voulais obtenir. Et cela interdit toute gratuité de la forme […] ces panneaux vous apparaissent bombés. Ils sont purement et simplement bombés par les fameux ressorts de sommier […] qui normalisent l'aspect de la tôle. Actuellement, on serait peut-être agacé par ce bombage qui, cependant, n'était pas laid. C'est assez amusant parce que la lumière jouait là-dessus. Il est évident que maintenant on collerait les tôles sur des supports et que l'on obtiendrait des tôles aussi planes que du granit poli, […] mais à cette époque-là […] nous avons dû trouver un truchemen. »

Marcel Lods, en parlant du projet dira que « la perfection de la mission amène presque obligatoirement l'œuvre d'art ».
Émission Radioscopie, interview de Marcel Lods par Jacques Chancel, France Inter, 15 février 1977
Cité par Peter Sulzer dans un dépliant édité à l’occasion des journées nationales des monuments historiques, 26 et 27 septembre 1992
Béatrice Simonot, La Maison du peuple de Clichy-la-Garenne: Beaudouin, Lods, Prouvé, Bodianski. Un bijou mécanique, Monografik, 2010,  p. 38