MAISON DU PEUPLE, CLICHY
par Leïla Beloucif
Une œuvre représentative de l’architecture moderne
La structure du bâtiment a été initialement prévue en béton en rapport avec des éléments de remplissage (avril 1936). Il a été ensuite envisagée en tôle découpée, pliée, roulée, assemblé par soudure et non par le procédé classique de boulonnage ou de rivetage, pour être finalement réalisée avec des poutrelles en acier de l'entreprise Schwartz-Haumont, pour des raisons de faisabilité technique liées à l'insuffisance des machines à plier des tôles de l'épaisseur nécessaire dans l'atelier.

Le projet témoigne de la recherche architecturale liée au Mouvement moderne. C'est donc un bâtiment d'avant-garde, pour lequel des techniques et des mises en œuvre innovantes ont été expérimentées. Parmi ses innovations, les cloisons et le plancher mobiles du premier étage et son stockage réservé dans la scène, la couverture qui s'ouvre pour permettre un marché de plein air, conçus par Bodiansky et qui rendent ce bâtiment entièrement transformable, ainsi que sa façade en mur-rideau en panneaux préfabriqués en usine, conçus et dessinés par Jean Prouvé.

Les éléments de façades et les menuiseries de la Maison du peuple ont été imaginé par Jean Prouvé et conçus au sein de son atelier: « C'est justement parce que je fabriquais des structures qu'il m'est venu à l'idée de les habiller de façades légères. […] Je trouvais irrationnel d'alourdir une structure qui se suffisait bien à elle-même au point de vue de la résistance, alors logiquement j'ai proposé une enveloppe pour cette structure qui serait totalement indépendante de l'ossature quant à la stabilité de
l'immeuble. »

Il s'agit de panneaux préfabriqués, légers, de forme homogène, sans risque de déformation de surface. En effet, chaque panneau est constitué de deux pièces assemblées par pliage et soudure. Les parois intérieures et extérieures sont soudées entre elles en ménageant un espace où est intégrée de la laine de verre de manière à éviter le maximum de conduction thermique, et en intégrant également des plaques d'amiantes collées sur la face interne des panneaux. Pour éviter les déformations de surfaces, qui risquent de se produire sous l'effet des changements de température, des ressorts de sommiers sont également placés dans cette espace intermédiaire, ce qui fait légèrement bomber les panneaux vers l'extérieur.

Le profilage des bords verticaux des panneaux leur donne une rigidité qui permet leur indépendance par rapport à la structure, ce qui vaut à la façade la qualification de mur-rideau. Leur profilage sert aussi de couvre-joint d'étanchéité en rejetant l'eau de pluie à l'extérieur sous l'effet du vent.
L'accrochage de ces panneaux se fait par le biais de crochets qui les suspendent en rive de plancher et l'assemblage vertical entre eux se fait par emboitement. Cette technique confère à la façade une souplesse qui contribue à la stabilité du bâtiment.

Les grandes surfaces vitrées adoptent le système modulaire et sont à l'origine de la mise au point du profil raidisseur vertical qui maintient le double vitrage par serrage.
Évolution du bâtiment
Jusqu'à son classement au titre des monuments historiques en 1983, le bâtiment a subit de multiples transformations et dégradations, tant au niveau de son enveloppe extérieure qu'au niveau de son organisation intérieure et de ses matériaux d'origine, du fait de l'absence d'entretien. Une partie importante des menuiseries extérieures d'origine a été remplacée aussi bien au rez-de-chaussée que dans les étages supérieurs par des menuiseries en aluminium et une partie des marquises, formant auvent vitrés qui entouraient le bâtiment, a été démontée aux angles de la façade principale, après la suppression du grand
balcon, et ce pour des raisons de sécurité. Ailleurs, elles étaient très dégradées et dangereuses.

Aujourd'hui, seules les activités commerciales du marché perdurent encore à hauteur de trois fois par semaine. Les autres activités sociales et culturelles qui se déroulaient dans les espaces polyvalents du premier étage, n'existent plus, car les espaces ne répondent plus aux normes de la réglementation incendie, une absence totale d'isolation acoustique de la grande salle et diverses altérations des matériaux.

Vue des marquises, années 90
Hervé Baptiste, ACMH, dossier de presse n° 1, CRMH

Vue à l'angle des rues Klock et Morillon, années 90
Auteur anonyme, site internet Topic Topos

Vue des panneaux pleins fortement altérés et des fenêtres remplacées, années 90
Hervé Baptiste, ACMH, dossier de presse n° 1, CRMH

Vue de la façade principale sur le boulevard du Général Leclerc, années 90
TECNE – bureau d'ingénierie, Maison du peuple, étude diagnostic de l'édifice classé, juin 1991, p. 5
Jean-François Achieri et Jean-Pierre Levasseur, Prouvé, cours du CNAM 1957-1970, éd. Mardaga, 1970