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HENRI CIRIANI
« L'espace émouvant »

HENRI CIRIANI
« L'espace émouvant »

HENRI CIRIANI
« L'espace émouvant »

Historial de la Grande Guerre, Péronne

1987-1992

Dans un département qui fut la scène d’affrontements meurtriers pendant la Première Guerre mondiale, le Conseil général de la Somme lance en 1987 un concours pour la construction d’un historial sur le site du château d’origine médiévale de Péronne. Le mot historial, qui évoque l’histoire et le mémorial, recouvre une conception muséographique nouvelle qui n’a pas pour origine une collection constituée, mais un programme historique défini par des historiens et des chercheurs. Au récit des manœuvres militaires et aux pièces spectaculaires est préférée l’histoire culturelle comparée des populations en guerre, mise en scène à travers des objets du quotidien. Déclaré lauréat, le projet d’Henri Ciriani suit une idée-force, en opposition à l’une des indications du programme : l’architecture ne peut ni représenter ni symboliser l’absurde. « Pour représenter une œuvre de paix, ce qu’elle est par essence, l’architecture doit puiser dans sa propre nature, à savoir : révéler (nommer) la gravité, et faire acte de générosité (donner), pour aboutir à l’émotion. »

LE PARCOURS « La faille »

Renouant avec le thème de la spirale carrée développé par Le Corbusier pour le projet de musée à croissance illimitée, Henri Ciriani conçoit une figure d’hélice à quatre ailes, centrée sur un point fixe. Autour de la salle des portraits, pivot spatial et visuel, gravitent quatre salles qui racontent, suivant un découpage chronologique, trois périodes : avant, pendant et après la guerre. La traduction spatiale s’inscrit au diapason du récit muséographique sans céder à la dramatisation, grâce à la syntaxe développée par l’architecte qui atteint à Péronne une forme de plénitude : dilatation des volumes, rythmes des rampes et poteaux, opacité et transparences, modulations des atmosphères lumineuses créent un parcours dynamique et vibrant. Le musée est également traversé par un grand axe évidé, la faille nord-sud, qui telle une tranchée symbolique scinde le bâtiment en deux et scande les ruptures historiques de l’exposition. Cet « espace captif », qui insère l’extérieur à l’intérieur de l’édifice, introduit la lumière du soleil au cœur de l’architecture et ouvre sur une succession de fragments de paysage – un pan de muraille, un morceau de ciel – où affleurent le sensible et l’émotion.

L’ENVELOPPE Entre ciel et terre, « une horizontale calme, investie de lumière »

Plutôt que le contraste ou l’intégration, Henri Ciriani instaure une dialectique respectueuse entre l’historial et le site médiéval. Le nouveau musée est apposé au mur ouest de l’ancien château, dont il complète la silhouette en substituant à son front arrière une nouvelle façade convexe. Cette courbe lisse forme avec l’étang adjacent et l’îlot de verdure un nouveau paysage dessiné par Michel Corajoud. Posé sur des pilotis et reflété dans l’eau, le nouveau volume en béton blanc juxtapose à la matière historique et à la massivité du château une composition horizontale, jamais frontale, qui se détache du sol avec légèreté et exprime une permanence sereine. Les parties au sol fermées par des menuiseries vitrées évoquent le temporel et le contingent, tandis que les parois opaques du niveau supérieur forment « l’ordre éternel de marbre et de béton ». Symboles de la valeur de l’individu, les cylindres de marbre qui rythment les surfaces exposées révèlent la course du soleil sur le béton. En référence à la terre meurtrie, les blocs de craie qui caractérisent les paysages de la région ont inspiré la blancheur de ce monument de paix.