Anciennement Institut de recherche sur la Provence antique
Arles, 1983-1995
À l’initiative de Jean-Maurice Rouquette (1931-2019), conservateur des musées d’Arles et pilier de la vie culturelle provençale, s’impose l’idée de construire un nouveau musée dans la cité antique, afin de présenter les prestigieuses collections archéologiques de la ville alors dispersées. En 1983, la municipalité lance un concours d’architecture rassemblant dix agences françaises dont celle d’Antoine Grumbach et celle de Jean Nouvel, Pierre Soria et Gilbert Lézénès. En 1984, après que les projets sont exposés à l’Institut français d’architecture, la proposition d’Henri Ciriani est déclarée lauréate. De nombreuses difficultés financières, auxquelles s’ajoute la complexité archéologique du site, retardent l’exécution des travaux, qui ont lieu entre 1989 et 1993. Dès 1986, l’opération est inscrite sur la liste des « Grands projets de Province » instaurée sous le mandat de François Mitterrand. Après l’achèvement des aménagements muséographiques, également confiés à Henri Ciriani, le nouveau musée est inauguré en 1995.
Situé sur une presqu’île occupée par un ancien cirque romain, le musée crée une articulation entre le centre ancien et les nouveaux quartiers du Barriol. Ciriani adopte un plan triangulaire, étranger à la romanité, dont la façade principale joue le rôle de fond de scène de l’hippodrome antique, tout en faisant face à la ville ancienne. Des projets muséaux de Frank Lloyd Wright et de Le Corbusier, l’architecte retient l’idée d’un parcours dynamique. Interrogeant la forme du triangle, théoriquement fermée sur elle-même, Ciriani ouvre l’espace vers les trois directions extérieures en déverrouillant les angles, et articule ce mouvement en hélice autour d’un vide central, qui ouvre vers le ciel. Les différentes fonctions du programme s’insèrent dans les trois ailes : reliées par le point générateur du hall d’accès, l’aile nord-est est dédiée aux activités culturelles, tandis que l’aile scientifique, côté sud, abrite les services liés à la recherche archéologique. Les salles d’exposition permanente s’enroulent en boucle autour du patio central, occupé par un escalier qui parachève la circulation sur le toit-terrasse, quatrième façade de l’édifice.
Autonomes, les trois parois du musée sont habillées de plaques d’Emalit d’un bleu azuré, en écho au ciel de Provence. L’usage de ces éléments en verre émaillé et coloré, bien antérieur au projet d’Arles, est le résultat d’une brève collaboration avec la Compagnie de Saint-Gobain et a pour origine l’idée poétique d’une gamme d’Emalit qui serait déclinée aux teintes des ciels auxquelles ces plaques seraient destinées, depuis le bleu « parfait » de l’Île-de-France jusqu’au bleu intense et lumineux du sud. « Matière amicale », l’Emalit a l’avantage, selon Ciriani, de présenter un effet plus subtil que le miroir : elle permet de capturer l’image du visiteur et de l’incorporer à la matière même du bâtiment. Distinguée par une matérialité et une couleur différenciée, chaque façade exprime sa fonction : les « émergences » blanches en avancée sur l’aile culturelle symbolisent le lieu de la pensée ; l’aile scientifique, totalement aveugle, se signale par des parties en rouge terracotta, en résonance avec la terre des vestiges archéologiques, tandis que la noblesse de la pietra serena grise et du béton est réservée à l’espace muséal.
Dans l’œuvre d’Henri Ciriani, la qualité de la lumière est essentielle à la définition de la spatialité moderne, qu’elle différencie de l’« image » et à laquelle elle confère une dimension temporelle, vivante et sensible. Dans les salles du musée d’Arles, l’architecte a développé trois types de dispositifs complémentaires. Un ensemble de sheds orientés vers le nord diffuse « des vagues de lumière blanche et homogène qui semblent ruisseler, en échappant au plafond. » Selon les mots de l’architecte, l’idée directrice était de reproduire l’éblouissement d’un promeneur pénétrant dans une clairière et de travailler ses sources de lumière comme des « nuages ». Cette luminosité douce et enveloppante est complétée par des potences qui captent la lumière solaire et lui donnent une texture plus colorée, ainsi que par un éclairage naturel provenant des ouvertures sur le paysage.