BORIS MASLOW (1893-1962)
Les aventures d'un architecte russe au Maroc

BORIS MASLOW (1893-1962)
Les aventures d'un architecte russe au Maroc

BORIS MASLOW
(1893-1962)
Les aventures d'un
architecte russe au Maroc

Travaux d’aménagements

Hubert Lyautey (1854-1934), premier Résident général du Protectorat français au Maroc, était personnellement très attaché au patrimoine architectural marocain et souhaitait conserver l’« authenticité » des villes anciennes, leurs activités artisanales et le tissu économique et social leur donnant cohérence. Il impulsa en ce sens une politique volontariste. Un dahir de protection des édifices fut promulgué dès le 2 novembre 1912 et le service des Beaux-Arts, monuments historiques et antiquités fut créé pour mettre en œuvre cette politique de protection du patrimoine. La préservation de ce dernier fut rapidement contestée par les velléités modernistes des administrateurs. texte De nouveaux noyaux urbains totalement modernes doublant les anciennes médinas furent créés. L’articulation entre modernité et patrimoine architectural ne fut cependant pas aisée, notamment dans les centres villes anciens, qui firent l’objet d’aménagements en vue de s’adapter « à la modernité ». Les inspecteurs régionaux du service des Beaux-Arts et des monuments historiques relevèrent ce défi, ce dont témoignent les activités et les rapports professionnels rédigés par Boris Maslow, mais aussi quelques écrits personnels conservés dans ses archives. Outre la protection, la conservation et la restauration des monuments anciens, les inspecteurs régionaux devaient donc s’assurer que les travaux d’aménagement (jardins, boutiques, voies de circulation) réalisés dans ou à proximité d’un monument historique classé ou situé en médina respectaient bien l’identité de cet édifice et les caractéristiques de l’architecture locale.

En 1922 et 1923, Fès et Meknès furent dotées de « zones de protection artistique » dans le périmètre des médinas. Les projets d’aménagement qui les concernent étaient soumis au service des Beaux-Arts et des monuments historiques. En tant qu’inspecteur régional des Beaux-Arts et des monuments historiques pour la région nord du Maroc entre 1928 et 1935, Boris Maslow a ainsi eu la charge de plusieurs dossiers de ce type. Les documents préparatoires à ces dossiers, que Maslow conservait chez lui et qui nous sont parvenus, permettent d’illustrer cette partie de son activité.

Citons deux exemples très différents réalisés dans le nord du Maroc.

En 1931-1932, dans le cadre d’un projet de restauration du Palais du sultan à Tanger, il fut chargé de l’aménagement des jardins du palais. image Des documents préparatoires (plans d’ensemble et perspectives intérieures du jardin) au crayon et au fusain sur calque sont conservés. On sait, grâce à quelques photographies, que le projet a été mené à bien. Il a consisté notamment à créer des portiques toujours en place actuellement.

En 1934, il conçoit des plans pour l’aménagement de boutiques prévues à proximité de la porte historique Djanaouia (Guenaoua) dans la médina de Meknès. Des documents graphiques de qualité au crayon sur calque (plans, coupes, croquis en perspective de l’aménagement programmé) illustrent la phase préparatoire de son travail, antérieure à la mise au propre. Un cliché de la porte avant intervention complète ces dessins. Cette porte a aujourd’hui disparu, ce qui rend d’autant plus précieux les documents conservés dans le fonds. image

La même année, il propose un plan d’aménagement de boutiques à proximité de la porte Bab Mellah, également à Meknès. image

Dix ans plus tard, en 1945, alors qu’il est en poste à Marrakech, en tant inspecteur d’urbanisme et des monuments historiques de la région du Sud (1942-1945), il propose un ambitieux plan d’aménagement de la cour des tombeaux saâdiens. image

Un dessin de Gabriel Rousseau publié dans Le mausolée des princes Sa'diens à Marrakech (Paris, Geuthner, 1925) image montre l’état de la cour et du jardin dans la partie sud en 1925 (friches et palmiers). Le projet d’aménagement de Maslow concerna uniquement la partie vierge du jardin. Nous n’avons pas pu déterminer si ce projet d’aménagement a été réalisé. Si le jardin comporte aujourd’hui une allée centrale ouest-est qui suit le tracé prévu par Maslow, en revanche le reste du tracé des allées est différent, et comporte des allées courbes – là ou Maslow avait prévu un quadrillage –, des escaliers et une fontaine.

Un curriculum vitae dactylographié, probablement rédigé par Maslow en 1948 alors qu’il est conseiller technique à l’Office marocain du tourisme à Paris, indique qu’il a réalisé un projet d'aménagement des abords de la Koutoubia de Marrakech en 1945 et un projet d’aménagement de la circulation dans la ville indigène de Marrakech en 1946. Le fonds ne permet pas de les documenter mais un cliché conservé par la fille de l’architecte semble correspondre aux travaux de terrassement préparatoires aux abords de la mosquée Koutoubia. À l’occasion de ces travaux, des découvertes archéologiques majeures furent réalisées dès 1948 puis publiées par Henri Terrasse, Jacques Meunié et Gaston Deverdun en 1952 sous le titre Recherches archéologiques à Marrakech. Fouilles aux abords de la Koutoubia.

De la même façon, et probablement dans le même contexte mêlant problématiques de protection et d’aménagement, Maslow réalisa une étude de la Qubba almoravide de Marrakech, qui fera l’objet d’un article méconnu des spécialistes dans la revue Al-Andalus (1948). texte
Trois des sept documents graphiques conservés dans le fonds, ainsi que deux photos, ont été publiés dans cet article, les autres sont inédits.
L’édifice, encore à demi enfoui en 1948, fera plus tard l’objet d’une fouille et d’une publication exhaustive texte qui éclipseront le travail pionnier, certes inexact en certains points, de Boris Maslow. image

Gabriel Rousseau, Le mausolée des princes Sa'diens à Marrakech, Paris : Librairie orientaliste Paul Geuthner, p. XIX