Boris Maslow est un personnage atypique parmi les architectes dont les archives sont conservées par la Cité de l’architecture et du patrimoine. Russe émigré en France, installé au Maroc de 1927 à sa mort en 1962, il y a travaillé comme inspecteur des monuments historiques. Très illustrées, ses archives (essentiellement les documents préparatoires de son activité de fonctionnaire) sont un témoignage exceptionnel sur le patrimoine marocain, notamment le petit patrimoine urbain, et sur les approches de l’époque pour sa préservation, qui rétrospectivement paraissent particulièrement respectueuses.
Le fonds Boris Maslow conservé au Centre d’archives d’architecture du XXe siècle de la Cité de l’architecture et du patrimoine est un petit fonds d’environ deux mètres linéaires (pièces écrites, épreuves photographiques et plaques de verre) et de plusieurs centaines de documents graphiques dont les plus grands sont conservés en meuble à plan. Il n’en est pas moins riche et unique par son contenu. Ces archives ont été rapportées en France puis données au service interministériel des Archives de France par la fille de l’architecte, Mme Claire Gaudin. Ce sont les documents qui se trouvaient au domicile de l’architecte. D’autres archives, publiques, issues de sa pratique d’architecte, d’inspecteur des Beaux-Arts et des monuments historiques puis d’inspecteur de l’urbanisme dans les services du Protectorat français se trouvent peut-être encore au Maroc dans les services d’archives ou les services administratifs.
La plus grande richesse du fonds consiste en une collection de photographies. Il existe environ 1.300 négatifs souples ou sur plaques de verre. Tous ont été nettoyés, numérisés, identifiés et rendus consultables au Centre d’archives d’architecture. Le fonds contient de nombreuses photographies d’architecture marocaine (monuments, détails, etc.). Boris Maslow a réalisé des séries de photographies de grande qualité. Outre les clichés de monuments, il faut signaler différentes séries typologiques : fenêtres, fontaines, portes monumentales, détails de ferronnerie, etc. Il a également photographié des scènes de vie de rues marocaines, des vêtements traditionnels et des détails de la vie quotidienne.
Boris Maslow n’a pas beaucoup construit en tant qu’architecte. L’essentiel de sa carrière a été consacré à la protection des monuments historiques marocains. Pour préparer les travaux de sauvegarde, de consolidation et de restauration mis en œuvre par le Protectorat français au Maroc, il a réalisé plus d’une centaine de relevés graphiques et photographiques de bâtiments anciens, presque tous effectués pour la première fois. Leur valeur patrimoniale est d’autant plus grande que la plupart des monuments étudiés ont depuis été modifiés, voire détruits. Son statut d’inspecteur lui permettait l’accès à des bâtiments religieux dont l’entrée était par ailleurs interdite aux européens. Tout autant qu’aux monuments, il s’intéressait à l’architecture « mineure », fontaines, hammams, ou souks.
Au début de sa carrière, il est chargé de la conservation et de la restauration de plusieurs mosquées de Fès. Se passionnant pour le décor d’entrelacs des minarets, il tente alors de retrouver les modules de base qui permettraient de reconstituer ces motifs traditionnels marocains. Le fonds d’archives contient une grande quantité de calques, d’épreuves photographiques et de textes à ce sujet. Cette recherche sur le décor aboutit à un livre publié en 1937 sous le titre Les mosquées de Fès et du nord du Maroc, qui reçoit le prix Bailly de l’Académie des beaux-arts. Les documents préparatoires pour ce livre sont aussi conservés dans le fonds. Richement illustré par ses relevés et par 148 photos inédites d’une grande qualité artistique, ce livre est le résultat du travail de plusieurs années. Mais le fonds contient également les textes préparatoires pour d’autres ouvrages, les interventions de Maslow lors de conférences ou d’autres communications, ainsi que des éléments de sa correspondance professionnelle avec ses supérieurs et ses collègues, et celle avec son beau-père, l’ingénieur Félix Marboutin.
Bibliographie
- Vlada Boussyguina, Claire Delery, "Aventures d’un architecte russe au Maroc : les archives de Boris Maslow", Colonnes, n° 32, décembre 2016, pages 16-20.
- David Peyceré, Vlada Boussyguina, Claire Delery, "Pratiques de restauration des monuments historiques au Maroc dans l'entre-deux-guerres : l'apport du fonds Boris Maslow, Centre d'archives d'architecture du XXe siècle", Monumental, semestriel 2, 2017, pages 84-87.
- Vlada Boussyguina, Claire Delery, "Penser la restauration des monuments historiques au Maroc dans les années 1920-1940", ABE Journal [En ligne], 11 | 2017, mis en ligne le 27 septembre 2017.