BORIS MASLOW (1893-1962)
Les aventures d'un architecte russe au Maroc

BORIS MASLOW (1893-1962)
Les aventures d'un architecte russe au Maroc

BORIS MASLOW
(1893-1962)
Les aventures d'un
architecte russe au Maroc

Protection et restauration des bâtiments

Du Nord au Sud

À travers le cas particulier de l’action d’un de ses inspecteurs, le fonds Maslow est une source inédite sur l’histoire du regard qu’a porté le Protectorat français sur les monuments anciens du Maroc dans les années 1920-1940 et des actions entreprises pour assurer leur conservation.

Boris Maslow occupa trois postes dédiés à la protection et à la conservation du patrimoine architectural marocain :

- de 1928 à 1935, il fut inspecteur régional des Beaux-Arts et des monuments historiques pour la région Nord (basé à Fès) ;

- de 1935 à 1936, il fut inspecteur de l’urbanisme de la région Centre (basé à Rabat) et correspondant de l’Inspection des monuments historiques ;

- de 1942 à 1947, il fut inspecteur de l’urbanisme et des monuments historiques de la région Sud (basé à Marrakech).

Le fonds ne documente cependant qu’une partie de l’activité professionnelle de Maslow. Il est en effet composé de documents préparatoires que Maslow conservait chez lui et qui ont été récupérés par sa famille après son décès à Marrakech en 1962. Bien que lacunaire, cet ensemble offre un témoignage précieux sur l’action du Protectorat français dans le domaine de la protection et de la conservation des monuments anciens du Maroc.

Il s’agit pour l’essentiel de documents graphiques avant mise au propre définitive (plans, coupes, élévations de bâtiments avant intervention, plans d’aménagement ou de restauration) et de la documentation photographique correspondante. L’ensemble est complété et éclairé ponctuellement par des notes préliminaires à la rédaction des rapports que Maslow envoyait à son directeur de service, par des éléments de sa correspondance et par des documents préparatoires à des ouvrages ou à des conférences.

Des compléments naturels à ce fonds existent ou ont existé au Maroc mais n’ont pas pu être localisés. En effet, les archives dites « de souveraineté » produites par les services politiques du Protectorat ont été rapatriées en France lorsque le Maroc est devenu indépendant en 1956, mais les dossiers produits par les directions « techniques » ont été laissés sur place afin de permettre aux nouvelles entités administratives d’effectuer leur travail. Les archives de l’action administrative de Boris Maslow sont donc restées sur place comme archives des services, et ne semblent pas avoir été jusqu’ici versées aux Archives nationales du Maroc. Ce fonds offre un état des lieux précis de plusieurs monuments majeurs du Maroc médiéval et moderne. Plusieurs d’entre eux ont depuis fait de multiples interventions, plus ou moins interventionnistes au gré des évolutions des notions de conservation et de restauration tout au long du XXe siècle. Quelques bâtiments ont même aujourd’hui disparu (c’est le cas de la porte monumentale Djanaouia (Guenaoua) de Meknès). image

À ce titre, il est important d’appréhender ce fonds comme un témoignage de la conception particulière de la protection du patrimoine qui fut en vigueur au Maroc dans les années 1920-1940, basée sur la mise en place de mesures conservatoires structurelles, l’entretien des bâtiments et des interventions minimalistes.

Outre les monuments historiques, Maslow s’est aussi intéressé à des objets architecturaux (ferronneries, fenêtres…) et à des bâtiments modestes (petites écoles coraniques de quartier ou msid, ponts) n’ayant jamais fait l’objet de protection.

De l’esquisse au rapport officiel

Selon la procédure en vigueur dans son service, Maslow réalisait d’abord un relevé et des clichés de l’existant, décrivait l’édifice, dressait un état de la documentation historique disponible et un bilan sanitaire. Il proposait ensuite diverses actions conservatoires, des restaurations ou des aménagements, et concevait les plans d’exécution. Il documentait parfois les travaux en cours ou achevés par une seconde série de clichés. Ces différentes étapes sont lisibles de façon inégale dans le fonds. Certaines interventions ne sont documentées que par une mention écrite (voir notamment le document dactylographié 251 Ifa 41/5) ou par un seul cliché. Pour d’autres, les informations sont beaucoup plus nombreuses et les supports variés permettent de restituer les étapes qui vont de l’état des lieux des bâtiments à la mise en œuvre de mesures conservatoires, en passant par les phases de validation – ou le rejet – des projets, soumis au directeur du service des Beaux-Arts et des monuments historiques sous la forme de rapports très complets.

Des esquisses étaient d’abord dessinées au fusain ou au crayon, puis mises au propre à l’encre. Des tirages au papier carbone étaient ensuite réalisés. On trouve des exemples correspondant à ces différentes étapes dans le fonds. Quelques planches sont numérotées, datées et signées : elles correspondent à une étape de préparation des rapports officiels. Ces derniers étaient également élaborés en plusieurs phases. Maslow concevait d’abord une maquette dactylographiée laissant apparaître les espaces vides correspondants aux illustrations numérotées (documents graphiques ou prises de vues) qui y seraient reproduites à échelle réduite.
Au stade de la maquette, Maslow modifiait parfois le contenu du rapport et l’ordre des relevés ou des clichés, comme le montre une série de repentirs visibles sur la documentation liée au hammam Ibn Abbad de Fès. image

Maslow avait vraisemblablement acquis lui-même un bon équipement lui permettant de s’affranchir des services photographiques officiels du Protectorat, sans doute lents à se mobiliser. Souplesse et rapidité étaient de rigueur pour les prises de vues obligatoires dans le cadre de son travail. Il conservait chez lui plus de mille clichés (négatifs souples et plaques de verre). Sur certains d’entre eux, un numéro a été reporté. Il correspond à la numérotation des illustrations prévues dans les rapports. image

Fès, 1927-1935

D’abord embauché en 1927, sans doute en appui de Marcel Vicaire (1893-1976) inspecteur des arts indigènes et chargé de l’inspection des monuments historiques depuis 1924, Maslow est nommé inspecteur régional des Beaux-Arts et des monuments historiques pour la région Nord en 1928. Il est basé à Fès mais rayonne dans l’ensemble de la région dont il est responsable. Ainsi le fonds documente l’état de bâtiments anciens et les interventions réalisées à Fès mais aussi dans les grandes villes du nord du Maroc (Meknès, Tanger, Taza, etc.) ou dans des villes de taille moyenne (Ouezzane par exemple). Une cinquantaine de bâtiments de Fès et une petite dizaine de bâtiments de Meknès sont documentés par des relevés ou des clichés.

La documentation disponible se divise en deux groupes :

- des relevés et des clichés de monuments (mosquées, médersas, maisons anciennes, palais, portes urbaines, zaouia, hammams, etc.) pour lesquels nous n’avons pas d’informations relatives à d’éventuelles interventions. image

- des relevés et des clichés de monuments assortis de documents renseignant sur les travaux de conservation/restauration ou sur les aménagements réalisés.

Rabat, 1935-1936

La documentation relative au travail de Maslow en tant qu’inspecteur de l’urbanisme de la région Centre et correspondant de l’inspection des monuments historiques se réduit à une série de clichés destinés à former une typologie des portes de Rabat, et à des relevés du célèbre minaret de la mosquée du Chellah (également à Rabat). image

Marrakech, 1942-1947

Un aperçu des cinq années que Maslow a passées à Marrakech et dans la région Sud nous est donné par plusieurs études architecturales (mosquées, zaouias, hammams) image et par des documents graphiques ou des mentions rendant compte d’aménagements relevant de sa fonction d’inspecteur des monuments historiques (aménagement de la Cour des tombeaux saâdiens par exemple) ou de sa fonction d’inspecteur de l’urbanisme (projet d’aménagement des abords de la Koutoubia en 1945 et projet de la circulation dans la ville indigène de Marrakech en 1946, mentionnés dans son curriculum vitae).

C’est probablement au cours de ce séjour à Marrakech que Maslow participe à une découverte très importante, à partir de 1948, celle de l’édifice à coupole dit Qubba almoravide, annexe de l’une des premières mosquées construites à Marrakech au XIIe siècle, dont il effectue les premiers relevés alors que l’édifice est encore partiellement enfoui.