L’immeuble de la rue Franklin ouvre, pour les frères Perret, la voie de l’expérimentation. Ils en conçoivent les plans, mais la construction n’est pas assurée par l’entreprise familiale qui ne maîtrise pas encore la technique du béton armé.
L’étroitesse du terrain (15,87 m x 13,13 m), son orientation unique et l’impossibilité de placer une cour à l’arrière de la parcelle, constituaient autant d’arguments en faveur d’une ossature, soit métallique, soit en béton armé. "Nous avons préféré le béton armé, explique Auguste Perret, qui nous paraissait présenter des avantages tant du point de vue de la solidité, que de l’incombustibilité et de l’économie." En 1910, lors de son séjour en Allemagne, à l’agence de Peter Behrens, Le Corbusier montrera avec fierté la photographie de l’immeuble des frères Perret : "Il y a, en France, quelqu’un qui élabore véritablement l’architecture moderne." Sigfried Giedion insistera, en 1928, sur la fraîcheur de cette "construction visionnaire". Après lui, aucun historien de l’architecture du XXe siècle n’omettra de mentionner cette œuvre comme un "jalon de l’époque moderne".
L'immeuble de la rue Franklin coule littéralement sa volumétrie dans les gabarits règlementaires, démultipliant les surfaces utiles, pour offrir dix niveaux de planchers parfaitement éclairés. Toutes les pièces d'habitation sont orientées vers la rue. Un mur en briques de verre assure l'éclairage naturel à l'arrière. Les volumes intérieurs, soudés les uns aux autres, forment un tout cohérent. L'enveloppe externe ne rompt pas avec la façade traditionnelle percée de fenêtres, mais elle en modifie radicalement le concept par la taille des ouvertures et par la combinaison du retrait central et des bow-windows qui transforme l'édifice en un prisme creusé. La structure (réalisée par l'entreprise Latron et Vincent) n'est pas apparente. Elle est cependant clairement exprimée. "À ce moment [dira en 1933 Auguste Perret], nous pensions qu'un revêtement était nécessaire pour la bonne conservation des fers […] mais nous avons eu bien soin de faire ces revêtements de formes différentes suivant qu'ils s'appliquaient aux poteaux ou aux remplissages, cela pour affirmer l'ossature."