Le Théâtre des Champs-Élysées est une œuvre décisive dans l’histoire du béton armé. Cet édifice prestigieux a donné ses lettres de noblesse au nouveau matériau au contact d’un groupe d’artistes éminents imprégnés d’une culture classique créative (Antoine Bourdelle, Maurice Denis, Édouard Vuillard, Ker Xavier Roussel, Henri Lebasque, Jacqueline Marval).

Sollicité en 1906, par Gabriel Astruc, pour construire un complexe de trois salles sur l’Esplanade des Champs-Élysées, l’architecte suisse Henri Fivaz, probablement inspiré par le précédent de l’opéra de Berne, avait annoncé un théâtre en ciment armé. Déplacé vers l’avenue Montaigne, le programme des trois salles fut mis en forme en 1910 par Roger Bouvard, qui avait proposé une construction métallique, et par Henry Van de Velde, qui souhaitait employer le béton armé.

Appelés en 1911, en tant qu’entrepreneurs, les frères Perret imaginèrent une solution structurelle innovante : "quatre pylônes supportant deux ponts" ceinturés par des planchers de béton homogènes. Reprenant
les plans des architectes attitrés, ils transformèrent l'expression du théâtre, au point qu'à l'issue des travaux ils purent en revendiquer la paternité, ce qui provoqua une violente polémique dans la presse parisienne.

La construction du théâtre ne dura que deux ans. En raison de la nature argileuse du sol, on réalisa des fondations étanches jusqu'au niveau de la chaussée. L'inondation de 1910 invitait à la prudence. Le bâtiment est construit sur un radier dont les bords ont été relevés pour constituer une sorte de caisson. Sur le fond plat de ce grand vaisseau (100 m x 40 m) prennent place deux poutres ajourées qui portent les "pylônes" d'où sont jetés les "ponts" transversaux. C'est à ces deux ponts que s'accroche le plancher supérieur de la salle. La "coupole" (immense lustre constitué d'un bouclier de verre et d'un quart de tore en papier mâché) est suspendue aux poutraisons supérieures. Les pylônes sont reliés par les dalles des galeries qui constituent autant de couronnes rigides, auxquelles s'accrochent (au moyen de voiles minces abondamment ferraillés) les balcons en porte-à-faux.