ÉCOLE DE PLEIN AIR, SURESNES
par François Rougeron
Évolution du bâtiment, interventions
Travaux courants
Le caractère novateur de l'école de plein air lui vaudra des transformations et des travaux de réfection très rapidement après l'achèvement de la construction.

Ainsi, la conception des pavillons des classes est légèrement revue, avec l'ajout de stores dès le printemps 1936, soit quelques mois après l'ouverture de l'école. Des rideaux seront aussi posés à l'intérieur des classes. Ce choix peut paraître surprenant dans un établissement où la relation à l'extérieur est mise en avant, mais il est défendu en avançant un positionnement pédagogique qui permet une variation de l'enseignement grâce à, de temps en temps, un obscurcissement de la pièce.

Un des problèmes qui sera récurrent est celui des
infiltrations d'eau dans le bâtiment. Ces infiltrations sont dues à la technique d'étanchéité des toitures terrasses encore au stade de la recherche ainsi qu'à leur utilisation intensive.
Ces infiltrations récurrentes ont comme conséquence une dégradation précoce des revêtements de sol. Une lettre, datant de 1942, de l'entrepreneur chargé de la réfection des sols, adressée aux architectes décrit l'état de la dalle sous le revêtement en caoutchouc : « Nous devons également vous informer que par suite de cette humidité constante les collages ne pourront offrir une grande garantie. » Ces infiltrations ont aussi comme conséquence moins attendue de provoquer des courts-circuits dans le réseau électrique installé dans les plafonds correspondant aux terrasses incriminées.
Extension de l'école en 1954 par Marcel Lods
Si tous les petits travaux d'entretien ont été traités avec ou sans l'intervention de l'agence d'Eugène Beaudouin et Marcel Lods, c'est à ce dernier que l'État français fait appel pour effectuer l'extension de l'école, en 1954, suite au rachat du bâtiment pour 1 franc symbolique à la commune de Suresnes. Ce rachat se fera en lien avec le changement d'affectation de l'école. En effet, avec la diffusion du BCG, rendu obligatoire en 1950, et la disparition du public cible de l'école, un changement d'orientation est nécessaire. L'école s'ouvre donc à un public handicapé, et voit s'installer un centre de formation pour ce type d'enseignement, le CNEPA (Centre National d'Éducation de Plein Air).

Ce projet est constitué de deux parties. La première est une extension du bâtiment de l'école en lui-même, avec l'ajout de logements ainsi qu'un réfectoire, pour les stagiaires, au-dessus de la partie centrale du bâtiment.
Cette extension, en plus d'avoir un programme distinct du reste du bâtiment, est très différente dans sa forme et sa matérialisation. En effet, elle est plus basse que le reste du bâtiment, avec une toiture inclinée et un couronnement massif. La sous-face, visible, est en
bois, matériau qui n'est pas utilisé en extérieur dans le reste de l'école.
De plus, pour accéder à ce nouvel élément, Marcel Lods ajoutera un escalier depuis la cour centrale.

La seconde partie est un ensemble de bâtiments distincts qui prennent place au sud de l'école, dans lesquels viendront s'installer les locaux du CNEPA.
Cette nouvelle construction prend la forme de deux bâtiments en longueur, de trois et quatre étages. Le bâtiment comprend aussi un sous-sol semi-enterré reliant les deux précédents, dans lequel on trouve le logement du concierge. En effet, le CNEPA venant s'installer, une nouvelle entrée était alors nécessaire. Pour arriver à ce niveau, un grand escalier est construit, qui borde le bâtiment et passe devant la conciergerie.
Contrairement à l'école, Lods donne à ce nouveau bâtiment un structure en béton armé, avec un remplissage en dalles de béton dans lesquelles sont pris des gravillons.

Dès 1955, l'école de plein air deviendra une annexe au CNEPA et un décret de 1961 la transformera en école d'application.
Restauration de l'école dans les années 80 par Martine Lods
L'école sera reconnue comme objet remarquable et inscrite à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, en 1965. Cette inscription concerne l'école en totalité, mais pas les bâtiments construits en 1954 au sud-est de celle-ci.
L'avis de protection relève que l'école « est une architecture scolaire parfaite qui répond exactement au but proposé : tonifier les organismes délicats des enfants de Suresnes tout en poursuivant l'enseignement et en les faisant vivre au grand air, été comme hiver ».

Au début des années 1980, une restauration de l'école est envisagée. Elle est alors confiée à Martine Lods, fille de Marcel, et Alain Rivière, ancien collaborateur du même Marcel Lods. Leur premier projet sera très violent quant à l'approche du bâtiment et sera refusé catégoriquement par les instances des monuments historiques.
Ce projet prévoyait un abaissement des passerelles reliant entre eux les pavillons des classesafin de garantir une meilleure protection contre la pluie et les rendre définitivement inaccessibles.
En lien avec cette transformation très forte des passerelles, les pavillons des classes sont eux aussi concernés. L'abaissement du niveau des passerelles a pour conséquence la disparition de tout ce que Martine Lods qualifie de « superstructure existante en toiture ». Les transformations ne s'arrêtent pas là puisqu'il est aussi proposé de changer les baies vitrées pour les remplacer par des « châssis basculants à ouverture totale, équipés de vitrage isolant et munis de pare-soleil intégrés ». Cette proposition est une de celles qui bouleversent le plus le fonctionnement de la classe dans sa relation avec l'extérieur. En effet, si le système d'ouverture est revu, la modénature est elle aussi changée, au profit d'un rythme plus large.
Le pavillon qui est le plus touché est le pavillon central, médical à l'origine et dont la fonction a passablement évolué. En premier lieu, les accès en sont changés. Une porte est ouverte à l'ouest, en connexion avec la galerie, tandis que la porte originale, intégrée aux baies vitrées, est condamnée et une cour anglaise creusée pour accéder directement au sous-sol. L'accès au premier étage par la passerelle ouest est transformé en fenêtre.
Ce même premier étage est prolongé, faisant ainsi disparaître la double hauteur spécifique à ce pavillon. La transformation la plus importante, là encore, est celle des vitrages, changeant de façon très importante le rapport entre les parties opaques et celles vitrées. De plus, une grande ouverture est prévue sur la face nord, sorte de bow-window imposant.
Les transformations dans le bâtiment principal sont cependant nettement plus importantes. En effet, toute l'organisation intérieure est revue, avec plus ou moins de conséquences sur la vision d'ensemble. Un des points importants de cette réorganisation est la création d'un faux plafond courbe assez imposant, et ce dans quasiment toutes les pièces du bâtiment principal. Selon ses concepteurs, il permet de « réfléchir les rayons lumineux émis par des lampes halogènes disposées le long de la façade sud, au droit des points porteurs. [...] Cet ouvrage possède des caractéristiques phoniques indispensables au confort et participe à l'équilibre du chauffage. » Un des derniers points développés à l'intérieur est la mise en couleur des espaces : « Les sols et les murs sont peints de couleurs vives et gaies sur des thèmes pédagogiques ».

Une deuxième itération de projet sera alors présentée en juin 1985. Dans cette deuxième proposition les interventions seront plus conformes aux exigences des monuments historiques. En effet, les classes retrouvent leur façades en accordéons, les terrasses et leurs garde-corps étant restaurés à l'identique. Malgré cela, la fenêtre arrière, donnant sur les vestiaires, est tout de même supprimée, ainsi que celle donnant sur les WC, sans remplacement de l'apport lumineux. Le plafond est démoli pour laisser la place à un plafond chauffant, tandis qu'au sol la structure de dallettes sur solives métalliques laisse place à une dalle en béton.

En ce qui concerne le bâtiment principal, les transformations typologiques internes sont abandonnées, laissant simplement en place le faux-plafond courbe.

Le projet est alors divisé en quatre tranches de travaux. La première tranche concerne les interventions sur les pavillons ainsi que l'aménagement de logements de fonction au sous-sol.
La deuxième tranche comprend, elle, la réfection des panneaux Contex sur les pavillons et la rénovation des parties extérieures de l'aile ouest du bâtiment. Les troisième et quatrième tranches concernent le reste de la rénovation du bâtiment principal et les aménagements extérieurs.
Les deux dernières tranches de travaux ne seront jamais réalisées, suite à une demande officielle du Ministère de l'éducation nationale de stopper les travaux, en 1993.
L'aile est du bâtiment ne subira donc aucune transformation, ce qui aura un impact par la suite.
Quel devenir pour l'école de plein air ?
En avril 2002, le bâtiment est classé Monument Historique. Les bâtiments construits en 1954 ne sont toujours pas concernés par le classement.
À la suite de ce classement, un concours pour la restauration de l'école est lancé. La restauration ne sera jamais réalisée.
Une journée d'étude qui se tient à l'école le 18 septembre 2004 offre alors le premier regard d'ensemble, historique, patrimonial et prospectif, sur l'édifice des années trente.
La dernière étude en date sur le site de l'école de plein air date de 2013, commanditée par l'Établissement Public d'Aménagement Universitaire d'Île-de-France (EPAURIF), avec également un diagnostic multithématique à une échelle plus large proposant des pistes de projet urbain et de programmation. Cette étude, comme nombre d'autres au sujet de l'école de plein air, restera au stade théorique.

Aujourd'hui, après plusieurs changements d'affectations, l'école de plein air de Suresnes est utilisée par l'INSHEA (Institut National Supérieur de formation et de recherche pour l'éducation des jeunes Handicapés et les Enseignements Adaptés).
Cependant, les locaux sont utilisés pour des fonctions très différentes de celles d'origine et sont donc en parfaite inadéquation. En effet, les salles, prévues pour être en connexion permanentes avec l'extérieur servent de bureaux ou de salles de conférence, ce qui pose aujourd'hui le problème du chauffage, trop peu efficace selon les demandes actuelles de confort.

À ces problèmes d'utilisation viennent s'ajouter des dégradations assez importantes du bâtiment, dont l'entretien est assez peu suivi.
De plus, l'aile est, qui n'a pas été restauré dans les
années 1980, est laissée à l'abandon, suite à des infiltrations plus importantes et un niveau de dangerosité accru.

La solution la plus évoquée actuellement par le personnel de l'INSHEA est un déménagement de l'établissement sur le campus de Nanterre. En effet, une restauration de l'école et une remise aux normes des locaux serait une opération qui pourrait coûter plusieurs dizaines de millions d'euros.

La question de l'avenir de ce bâtiment et de son utilisation possible est donc posée. En effet, avec la disparition de son public cible et l'augmentation des demandes de confort, il est nécessaire de revoir quelques aspects du bâtiment.
Ainsi, la présence de programmes publics au rez-de-jardin dans les grands espaces avec les grandes baies vitrées, en relation avec le parc, serait sans doute souhaitable. Il serait possible d'imaginer ainsi la présence d'un café associé à des espaces pouvant accueillir des événements plus importants.
Des salles plus petites, telles que des salles de conférences ou de séminaires, pourraient plus facilement prendre place à l'étage, où les conditions thermiques sont plus facilement gérables.
Concernant les pavillons de classes, la remise à l'origine d'au moins l'un d'entre eux nous paraît essentielle. Les autres, quant à eux, pourraient être utilisés de manière plus ponctuelle pour des petits événements, de manière autonome. L'entretien du parc et sa requalification en tant que jardin public serait sans doute un autre point intéressant à envisager, comme une manière de rendre l'école au public suresnois.
Actes publiés dans Archiscopie, hors série, mai 2006
Étude Suresnes école de plein air Rénovation et restructuration avant-projet détaillé, Lods Martine, Rivierre Alain, 1982, p. 36 [Médiathèque de l'architecture et du patrimoine]
Étude Suresnes école de plein air Rénovation et restructuration avant-projet détaillé, Lods Martine, Rivierre Alain, 1982, p. 31 [Médiathèque de l'architecture et du patrimoine]
Étude Suresnes école de plein air Rénovation et restructuration avant-projet détaillé, Lods Martine, Rivierre Alain, 1982, p. 8 [Médiathèque de l'architecture et du patrimoine]
Étude Suresnes école de plein air Rénovation et restructuration avant-projet détaillé, Lods Martine, Rivierre Alain, 1982, p. 40 [Médiathèque de l'architecture et du patrimoine]
Avis de classement de l'école de plein air de Suresnes [Médiathèque de l'architecture et du patrimoine]
Lettre de Caoutchouc S.I.T à Marcel Lods - 8 décembre 1942 [Archives communales de Suresnes]