ÉCOLE DE PLEIN AIR, SURESNES
par François Rougeron
Le bâtiment
Composition du bâtiment
L'école, suivant la pente du terrain, a trois niveaux distincts. Le rez-de-jardin inférieur, à l'ouest, comprend les salles d'activités des garçons, des salles de dessin ainsi que le préau, en lien direct avec la cour extérieure.
Le rez-de-jardin supérieur a les mêmes programmes d'activités dédiés aux filles dans l'aile est, tandis que le centre regroupe toutes les activités de la maternelle. L'aile ouest, à ce niveau, est destinée au réfectoire et au dortoir. À l'extrémité de cette aile, on peut noter la présence d'un logement de fonction, initialement prévu pour la directrice.
Le premier étage, présent uniquement sur la partie est du bâtiment est dédié au réfectoire et au dortoir, symétriquement à l'aile opposée, avec, là aussi, un logement de fonction à l'extrémité.

Si la répartition des fonctions était originalement prévue pour les filles et les garçons séparément, il s'avère assez vite que le fonctionnement de l'école sera plutôt organisé selon les âges des écoliers, les « petits » (maternelles) se trouvent au centre, les « moyens » (CE1-CE2) se trouvent à l'ouest, tandis que les « grands » (CM1-CM2) utilisent l'aile est.
Deux extensions incurvées sortent en façade sud du bâtiment, aux pliures de celui-ci, pour accueillir les douches des enfants, avec une forte relation à l'extérieur, où se trouvent des barbotoirs seulement séparés par une cloison amovible.

Les pavillons des classes sont, eux, répartis dans le parc, reliés par des passerelles, servant également de galeries couvertes, partant des deux ailes du bâtiment. Le pavillon situé à la jonction des deux passerelles menant aux salles de classe est un pavillon médical, qui profite de la déclivité pour être
plus grand que les autres et accueillir des fonctions plus variées. Le pavillon octogonal, au centre de la cour, est une classe supplémentaire pour les maternelles, dont les locaux sont dans la partie centrale du grand bâtiment et n'ont pas de salle en plein air comme peuvent en avoir les autres écoliers.

Pour répondre au mieux aux besoins des enfants au quotidien, l'école sera pensée par Beaudouin et Lods en suivant l'organisation de la journée des écoliers.

En effet, la journée type de l'écolier commence par une visite du médecin, qui s'effectue dans les pavillons d'entrée, puis les élèves sont répartis dans leurs classes respectives, utilisant les passages couverts menant aux pavillons. La pause de 10 heures se déroule dans les cours extérieures, en lien direct avec les salles de classe.
Des ateliers de dessin, de travaux manuels pour les garçons ou de travaux ménagers pour les filles, sont situés dans les espaces au rez-de-jardin des différentes parties du bâtiment, en lien direct eux aussi avec l'extérieur. Pour le déjeuner, les écoliers passent par le lavabo présent devant la zone de douches pour se laver les mains, puis montent la rampe qui relie les niveaux inférieur et supérieur pour rejoindre le réfectoire. À la fin du repas, les écoliers rejoignent les dortoirs situés à côté du réfectoire. Les jours de beau temps, les enseignants sont invités à sortir avec les enfants, pour faire la sieste sur les terrasses-solaria de chaque classe.
L'après-midi, les écoliers retournent dans leurs salles de classe respectives.
Les douches sont prévues le matin pour les petits (maternelles), tandis que les grands ont « leur hydrothérapie quotidienne » durant l'après-midi.
Techniques d'avant-garde
Le bâtiment s'exprime avec une forte opposition dans la manière de construire selon l'orientation des façades. Les murs nord, tant pour le bâtiment que pour les salles de classe, sont opaques avec peu d'ouvertures, tandis que les murs sud sont très légers et vitrés, ouverts sur l'extérieur. Cette idée avait déjà été exprimée par le Dr Marchoux : « Lorsque les conditions atmosphériques obligent à chercher un abri, l'enseignement se fait dans des classes largement ouvertes au moins sur toute l'étendue de la paroi exposée au sud. »

Les murs nord sont faits avec des plaques de béton préfabriquées dans lesquels sont pris des galets. Ces galets sont dits « de Dieppe », car fournis par des carrières de galets normandes, de couleur gris-bleu. Ces panneaux sont appelés « Contex ».
Les parois vitrées comprennent des systèmes d'ouverture très différents. Dans le bâtiment principal, les salles, au rez-de-jardin comme à l'étage, s'ouvrent avec des baies coulissantes, ce qui permet une porosité très forte entre l'intérieur et l'extérieur.
Les salles de classes, elles, sont vitrées et ouvrantes sur trois côtés. Pour cela, un système de parois en accordéon est mis en place. Ce système permet de moduler les ouvertures selon les conditions météorologiques, tout en captant au maximum la lumière et la chaleur du soleil.

Cependant, ce système d'ouverture dépliant a eu quelque peu de mal à convaincre les utilisateurs à leurs débuts, comme le prouve cette anecdote rapportée par Marcel Lods, en visite à l'école, un mois après l'ouverture : « Un mois plus tard j'allai y faire un tour, par un jour d'assez beau temps. Toutes les classes étaient soigneusement fermées. Au moment de la récréation, je pris à part une des institutrices et
lui dis :
- Peut-être ignorez-vous qu'en faisant fonctionner les manivelles qui sont près des panneaux, on peut orienter l'ouverture de la salle de classe dans plusieurs directions ? Elle me répondit d'une voix pincée :
- Moi, Monsieur, je suis responsable de la santé des gosses. C'est pourquoi je me soucie peu des mécanismes que vous avez imaginés. Leur déclenchement pourrait être une source d'épidémie de bronchite. »
Ce type d'ouverture a néanmoins posé des problèmes assez rapidement après sa mise en place, comme le montre une lettre de l'agence Beaudouin et Lods datant du début de l'année 1945 réclamant une révision du système de galets permettant l'ouverture des parois des classes. « Les portes de quelques classes ouvrent difficilement si bien qu'on ne les entrebâille que tout juste pour le passage des enfants. Ces classes perdent ainsi leur caractère de plein-
air. »

Dans l'école de plein air, suivant l'esprit de recherche de techniques de pointe qui anime les architectes, un effort tout particulier est fait au niveau du confort. « Les différents locaux où les enfants vont étudier, prendre du repos, faire la sieste les jours de mauvais temps, doivent en effet permettre aux élèves de ne pas souffrir du froid ni des intempéries, mais ne pas interrompre l'action vivifiante du plein air, donc être très largement ouverts. » En effet, si cet établissement est destiné à être ouvert au maximum, le confort des enfants doit aussi être assuré. Celui-ci s'exprime avec la présence d'électricité dans l'ensemble du bâtiment, ainsi qu'un réseau de chauffage très poussé. Des planchers chauffants couplés à des rideaux d'air chaud pulsés au pied des parois ouvrantes sont donc installés.
Compléments du projet
Les réflexions de Beaudouin et Lods pour l'école ne s'arrêtent pas au bâtiment mais s'étendent aussi au mobilier et à l'aménagement des extérieurs, faisant ainsi de l'école de plein air un ensemble.

Le mobilier sera dessiné spécifiquement par les architectes pour répondre aux mêmes problématiques que pour le reste de l'école. En effet, celui-ci se doit d'être léger, pour permettre aux enfants de le transporter lorsque les cours ont lieu en extérieur, robuste, pour résister aux sollicitations diverses. Les matériaux utilisés sont donc choisis dans la même lignée que le bâtiment avec une structure légère en almasilium (alliage d'aluminium). En plus du mobilier « standard » d'une école (table, chaise, tableau noir), quelques pièces spéciales seront conçues, comme les lits de repos ou les bibliothèques roulantes.

Les jardins aussi sont dessinés et pensés par les architectes. La première étape a été de conserver tous les arbres présents sur le site, Henri Sellier ayant même fait modifier légèrement le plan pour éviter la
coupe d'un arbre. La deuxième étape de réflexion a été la mise en place de classes de verdure, chacune en relation avec un pavillon, pour permettre aux professeurs de dispenser leurs leçons dans des endroits aménagés, à l'air libre.
Chacune des cours est ensuite pensée, en fonction des utilisateurs, avec des arbres et des haies plantés à des endroits choisis pour animer les espaces de jeu. En plus de cette considération, Beaudouin et Lods évoqueront aussi la possibilité de créer un petit « zoo » dans le parc de l'école, avec la présence de poules, d'oiseaux, de chèvres et d'un bassin à poisson, pour permettre d'enrichir encore l'enseignement des enfants.

En plus de ces aménagements, Beaudouin et Lods imagineront aussi placer une mappemonde à l'entrée de l'école. Celle-ci en plus d'être un élément marquant fortement la présence de l'école, est aussi un outil pédagogique, avec la présence à l'origine d'une rampe permettant aux enfants de venir prendre leurs leçons de géographie autour de cet objet.
LAPRADE Albert, « L'école de plein air de Suresnes. MM. Beaudouin et Lods, architectes » dans L'Architecture, tome XLIX, 1936, p. 44
Lettre de l'agence Beaudouin et Lods au maire de Suresnes, le 27 Février 1945 [Archives communales de Suresnes]
LODS Marcel, Le métier de l'architecte. Entretiens avec Hervé Le Boterf, éd. France-Empire, Paris, 1976, p. 80
MARCHOUX Émile, « L'air à l'école » dans L'Hygiène par l'exemple, 1922, p. 3
LACAPERE Simone, L'école de plein air de Suresnes. Étude pédagogiques, n° 13, Fédération internationale des communautés d'enfants, 1965, p. 27