LUMIÈRE ET SOCIÉTÉ
La lumière naturelle n'est ni figée ni toujours égale, elle est soumise à des variations continues en fonction du temps, de l'heure de la journée et de la densité des nuages. Elle rythme le cours des journées, alimente les différents organismes vitaux et se manifeste la nuit par la réflexion du soleil sur la lune. Selon la position du soleil et les influences atmosphériques, sa couleur change des tons rouges aux tons bleuâtres, et les volumes sont perceptibles d'une tout autre manière. La lumière fait naître des contrastes ou devient douce et diffuse. La lumière du jour influe sur nos rythmes biologiques et notre bien-être. Les variations de l'éclairage naturel créent une harmonie entre l'extérieur et l'intérieur.

L'homme observe son mouvement pour tirer parti de toutes ses qualités. Les débuts de la civilisation sont marqués par l'organisation collective des abris et de ce lien entre espace privé, public et collectif. De la préhistoire à nos jours, améliorer la lumière et la ventilation a été l'un des moteurs de l'amélioration du confort dans l'habitat. L'Apologie de Socrate expliquait, au Ve siècle avant notre ère, qu'une maison à portique orientée au sud permet aux rayons du soleil de pénétrer dans la pièce l'hiver tout en restant à l'ombre en été. Dans le De architectura de Vitruve (environ 81-15 avant notre ère), on retrouve les innovations intervenues dans la conception des bâtiments pour améliorer les conditions de vie des habitants. Vitruve différencie les pièces dans une villa afin qu'elles puissent bénéficier du soleil suivant les heures d'occupations. Il recommande que les bâtiments soient orientés selon le climat de chaque pays (ouverts vers le sud pour les climats tempérés).

La Renaissance italienne a redécouvert les vertus des vitrages pour laisser entrer la lumière et capter la chaleur dans les palais. Sous Louis XIV, Colbert crée en 1665 la manufacture royale des glaces à Saint-Gobain, en Picardie, qui contribue à une large diffusion du verre dès le XVIIIe siècle. La révolution industrielle a quant à elle encouragé une partie de la population à quitter la campagne pour vivre et travailler en ville. Les habitations évoluent et gagnent en confort : les habitants disposent de plusieurs espaces d'habitation, de fenêtres vitrées, de chauffage, bientôt d'eau courante, etc.

Progressivement, les ouvertures vitrées investissent les habitations et les ateliers, tandis que les usines vont disposer de toits vitrés. Les exigences de confort s'accroissent progressivement et de nouvelles techniques influencent la conception de l'habitat. Prônant un nouveau mode de vie, les architectes élaborent de nouvelles manières d'organiser l'espace vital, d'équiper et de meubler les intérieurs.

Certaines demeures du XXe siècle deviennent de véritables manifestes de la modernité du logement et influencent l'ensemble des réflexions sur l'architecture et la ville. Dans la revue L'esprit nouveau, entre 1920 et 1926, Le Corbusier (1887-1965) et Amédée Ozenfant (1886-1966) parlent de l'âge des machines et de la notion de confort moderne : « Là où naît l'ordre, naît le bien-être ». Publiant en 1941, sous le titre de Charte d'Athènes, un texte issu du 4e congrès international d'architecture moderne (CIAM, 1933) Le Corbusier insiste sur le droit à l'hygiène et à l'ensoleillement dans l'habitat. Mais L'énergie solaire, elle, entre dans le vocabulaire populaire dès 1970. Peu après le premier choc pétrolier de 1973, les « Trente glorieuses » laissent place à la crise économique. Dans le journal d'écologie politique La gueule ouverte fondé en 1972, Pierre Fournier (1937-1973) dénonce la consommation et le nucléaire pour une vision plus écologique des modes de vie. Grâce aux innovations du XXe siècle, l'habitat peut devenir confortable et convivial. Les ouvertures dans les espaces de travail vont être utilisées à bon escient pour orienter la lumière et ne pas provoquer d'effets sur la fatigue visuelle et la qualité de travail. Dans les espaces de vie, la notion de confort est inhérente et est bâtie sur la maîtrise de la lumière, de la ventilation et la température ambiante. La lumière est modulée, adaptée, guidée et accommodée à la vie urbaine.
Sophie Frouchart