LUMIÈRE ET SOCIÉTÉ
La lumière dans les usines, musées et ateliers d’artistes
La lumière, essentielle à la vie domestique, l'est tout autant dans les espaces de travail. Cependant, elle change radicalement de valeur entre le logement et l'atelier, où elle devient uniquement utilitaire.

Aujourd'hui surnommées « lampes d'architecte », les lampes Gras, créées en 1921 pour les ateliers d'artistes et d'architectes, sont symptomatiques de l'idée que la lumière spécifiquement adaptée au travail nécessite une structure qui lui est propre.

D'un point de vue architectural, l'ouverture lumineuse de l'atelier et de l'usine est bien différente de l'ouverture domestique et n'est pas traitée de la même manière par les architectes.

La nécessité, dans l'atelier et l'usine, d'une lumière zénithale indirecte, plus diffuse, qui ne créé pas d'ombres et qui permet un éclairage continu, guide les architectes dans leur conceptions de formes architecturales adaptées. À l'âge d'or industriel, les sheds (toitures à redents) deviennent un élément obligatoire de ce type de locaux, au point d'en devenir la signature symbolique et visuelle. Que ce soit dans les sheds ou dans les bâtiments à étages, la verrière s'impose dans les usines et reste au cœur du cahier
des charges architectural, du moins jusqu'à la généralisation de l'éclairage électrique. La verrière est le résultat d'un compromis entre un système qui s'adapte facilement aux surfaces, la nécessité d'un maximum d'éclairage, une lumière zénithale mais prise au nord plutôt que plein-sud, pour éviter de trop chauffer les ateliers. C'est la fonction technique qui définit la structure de la verrière et par extension, celle de l'architecture. Arrondies, agrandies ou fragmentées, les formes de la verrière évoluent au gré des innovations techniques et deviennent plus audacieuses, notamment grâce au béton.

Bien que la lumière artificielle tende à se généraliser au XXe siècle dans les usines et ateliers, la lumière naturelle, plus objective et moins incandescente, reste privilégiée dans les constructions. La lumière-outil, centrale dans l'architecture des bâtiments d'ateliers et d'usines, les rend tributaires de sa présence et de ses formes. Principalement nécessaire et utilitaire, cette lumière se pare parfois d'une esthétique propre à la signature de l'architecte. Puisque, dans ce cas, la fonction définit la forme architecturale, celle des bâtiments techniques ne saurait se passer de la lumière-outil.
Mathilde Botreau Roussel Bonneterre