La lumière est essentielle à la fréquentation d'espaces collectifs, comme elle l'est pour un organisme humain.
Nous évoquons ici un corpus de bâtiments – centres commerciaux, établissements scolaires, bibliothèques – qui ont en commun d'accueillir de manière quotidienne des flots d'usagers. Ils sont donc destinés au séjour prolongé, à une intense fréquentation durant la journée, voués à un usage régulier et commun, etc.
Leur rapport à la lumière est conditionné par deux éléments : le besoin de faciliter l'accès de la lumière aux usagers et la nécessité pour les pouvoirs publics (ou les propriétaires privés) d'affirmer leur capacité à organiser cet accueil de masse. L'éclairage naturel demeure un idéal en matière d'édifices du quotidien. L'accès à une source lumineuse se traduit ici par un souci d'ouverture permanente à l'extérieur, au point de simuler, voire de permettre l'abolition des frontières entre intérieur et extérieur. Ces exigences sanitaires, de confort et de viabilité sont devenues un défi autant qu'une nécessité.
Dès lors, comment illuminer en masse ? La solution ancienne consiste dans le percement des murs, sous un toit opaque. Les bâtiments sélectionnés ici montrent un jeu intentionnel sur l'apparente fragilité du verre, présenté comme la structure porteuse : le mur-rideau. Les façades de verre ont pour rôle architectonique de fermer un édifice, mais sans
assurer sa statique. Ce choix offre un contraste aigu entre l'aspect massif, rugueux, du béton par exemple, et du verre, transparent, cassant, immatériel en comparaison. Les deux matériaux, liés à l'acier, forment une combinaison aux possibilités inépuisables.
Un architecte comme Jacques Kalisz ou un ingénieur comme Pier Luigi Nervi en font un axe de recherche, dans la veine brutaliste. Dans quelques cas, le percement du mur est poussé à l'extrême : reste un toit en voile de béton, posé sur des murs de verre. Le souci organique répond à l'exigence de pratique du bâtiment plutôt que de sa seule construction exigeant ensuite l'adaptation de ses usagers.
C'est aussi le cas de grands magasins aux façades vitrées : parallélépipèdes cadrant parfaitement avec un tissu urbain classique, ils se veulent aussi adaptés à un usage journalier. On y voit comme en plein jour, et pour cause : le verre ne joue plus qu'un rôle esthétique et de protection. Le bâtiment se trouve révélé dans toute sa nudité et ses infrastructures ne sont plus que cela : des infrastructures et non pas une peau. Les angles et surfaces d'essence rationaliste, stéréométriques, connaissent un défi encore ponctuel, mais marquant. Les limites à cette recherche sont celles que la physique imposa au célèbre trio du XXe siècle : verre, acier, béton.