L'abondante correspondance conservée dans les archives d'André Hermant et dans les archives Marc et Ida Chagall éclaire l'histoire méconnue d'un chantier vécu comme une véritable épreuve par les parties impliquées. Plusieurs éléments sont l'objet de discordes, surtout au moment des finitions, causant à Chagall « un très grand souci et du chagrin » [extrait de la lettre de M. Chagall à J. Chatelain, 13 juillet 1971 – Archives Marc et Ida Chagall, Paris].

Le plafond de la salle de concerts, notamment, est l'objet d'une confrontation particulièrement vive. Les vitraux avaient été conçus et réalisés pour passer derrière la retombée du plafond sur une trentaine de centimètres. Lors de leur mise en place, Chagall exige le relèvement du plafond afin que les vitraux soient entièrement visibles. Lorsque la communication est impossible, Hermant s'en remet à la Direction des musées de France : « Chagall a travaillé avec Marq (le maître-verrier) sur ces vitraux en tenant compte de cette disposition arrêtée pour des raisons bien précises dès le début. Il semble l'avoir oublié [...] De même, le désir précédemment exprimé d'une atmosphère intime pour l'ensemble, avec plafonds bas, s'est tout à coup transformé en aspiration vers le monumental : 'plafonds le plus hauts possibles'... ou encore demande que la porte d'entrée soit... 'comme celle du Louvre' ! [...] Je ne puis faire l'impossible et satisfaire à des demandes changeantes et inconsidérées. » En définitive, le plafond sera surélevé comme le souhaitait Chagall mais Hermant, plus soucieux des problèmes de construction et d'équilibre des volumes, ne cacha pas ses regrets. Il proposa même le rabaissement du plafond à ses propres frais.
Parmi les autres sujets à controverses, le dessin du bandeau de façade témoigne de l'impossible compromis entre les deux hommes. Hermant compose son projet avec un bandeau en dents de scie qui reprend la structure métallique du toit de la salle d'expositions temporaires, mais Chagall veut un bandeau droit. Dans les cas de rupture de dialogue, la Direction des musées de France assure la négociation et tranche en faveur d'une solution intermédiaire. La partie supérieure du bandeau est donc réalisée avec une ligne très légèrement brisée.

Dans d'autres cas, Jean Chatelain prend directement la défense de l'architecte. Une lettre adressée à Valentina Chagall atteste de la modération nécessaire demandée à l'artiste : « Marc Chagall parle souvent d'un lieu de recueillement ; je le suis tout à fait et je n'ai pas l'intention de faire du Message Biblique un drugstore ou un lunapark. En sens inverse, il faut éviter de penser le respect jusqu'à l'étouffement. » [lettre de J. Chatelain à V. Chagall, 20 juillet, année non mentionnée – Archives Marc et Ida Chagall, Paris].

Chaque élément, chaque détail (bouches d'aération, fauteuils de la salle de concerts, couleur de la moquette) mais également des questions structurelles (élargissement ou réduction des portes ou des fenêtres) est l'objet de litiges. L'atmosphère s'est dégradée au point d'avoir laissé l'architecte dans un désarroi complet à la fin du chantier. De son côté, Chagall conclut, en parlant d'Hermant : « [...] nos goûts sont différents ».
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