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Depuis la période classique, les enjeux et les attentes liés à l'association du végétal et de l'architecture sont multiples. L'engouement des classes aristocratiques pour les parcs d'agrément à la mode française, italienne ou anglaise, a été à partir du XIXe siècle un modèle d'inspiration pour la bourgeoisie puis, dans une moindre mesure, pour l'ensemble de la société. Le végétal, faute de toujours pouvoir s'étendre à l'extérieur, a progressivement envahi les intérieurs et leur ornementation, parfois en renouant avec des vocabulaires décoratifs anciens comme en témoigne à la toute fin du XIXe siècle le retour en faveur du style rocaille.

L'ornementation végétale a eu sa période de renaissance au début du XXe siècle avec la fulgurance de l'Art nouveau dont les formes découlent directement de l'étude et de la réinterprétation de la flore. En façade ou dans le décor intérieur, les productions sont nombreuses et recouvrent tous les supports : serrurerie, papiers peints, mobilier ou vitraux. Les architectes et les décorateurs, tels Ruprich-Robert ou Sullivan, étudient la nature et la croissance des végétaux pour en déduire des systèmes de composition architecturale et décorative. La stylisation progressive a conduit à un ultime chant du cygne dans les années 20 avec le style Art déco qui n'emploie les motifs végétaux que de manière ponctuelle et allusive.
La présence artificielle du végétal ne saurait être la panacée. Les jardins d'hiver, déjà présents par ailleurs dans nombre d'hôtels particuliers, sont un thème de prédilection pour les architectes. Sur un paquebot, dans une maison bioclimatique ou au cœur d'un bâtiment de logements collectifs, les patios apportent une touche naturelle et fraîche.

Le jardin d'hiver s'autonomise jusqu'à engendrer des architectures à part entière sous la forme des serres. Des plus gigantesques comme le Crystal Palace aux plus modestes en passant par les édifices horticoles, la création de serres est abondante dans les exercices produits par les élèves architectes aux Beaux-arts.

Sous l'impulsion des Modernes, se développe la terrasse plantée ou terrasse-jardin, un des « prolongements du logis » chers à Le Corbusier dans La Ville Radieuse en 1935. Le thème de la terrasse directement liée à l'appartement ne fera que se développer jusque dans les exemples contemporains des habitations-jardins d'Andrault et Parat.



Le mythe de l'hôtel particulier entre cour et jardin ne perd pas de sa résonnance au cours du XXe siècle. Depuis les derniers hôtels particuliers réalisés dans l'Entre-deux-guerres par André Lurçat, Pierre Barbe, Charles Moreux ou Albert Laprade, le besoin du jardin comme démarcation entre la rue et l'immeuble ou comme accompagnement de l'habitation reste prégnant. Tout habitant veut que son logement ouvre sur un espace extérieur privé, propre à flatter son ego (jardin reflet de l'habitation) ou à subvenir à sa subsistance (jardin potager des maisons ouvrières).
Le végétal participe à l'embellissement de la ville. Afin d'aérer Paris, Haussmann impose de puissantes percées et la création de parcs urbains pour le divertissement du plus grand nombre. À travers le service des Promenades et Plantations de Paris qu'il dirige, Adolphe Alphand instaure le modèle d'une véritable gestion des espaces verts. En province, les projets de créations de squares et de vastes parcs publics se multiplient pour donner aux habitants des villes l'occasion de flâner le long des allées ou explorer et découvrir une nature sauvage reconstituée avec ses grottes, ponts, lacs, ravins et points de vue pittoresques. L'ornement réapparaît de façon importante dans les fabriques, kiosques, pavillons qui agrémentent les jardins publics, dont les plus belles manifestations sont les fantaisies produites pour les expositions internationales et universelles.



Habiter la nature est, depuis Rousseau, un mythe qui perdure. Le séjour au cœur de la nature, dans un but d'agrément ou par nécessité médicale, prend diverses formes architecturales individuelles ou collectives. Le chalet de montagne ou de bord de mer est-il autre chose qu'une traduction de la cabane, et ses avatars modernes ne sont-ils pas les projets récurrents de maisons démontables et transportables ? Le sanatorium, et son proche parent l'hôtel, incarnent un essai de ville à la campagne associant logements et services.
Depuis la période classique, le végétal, et à plus forte raison l'idée de nature même, est une composante de la création de la ville et de son paysage. Les formes urbaines successives l'intègrent toutes, à différentes échelles, dans leur « dessein ». Les cités-jardins, nées des théories hygiénistes, philanthropiques et sociales sur le logement des plus modestes, fondent leur image de « villes à la campagne » sur la juxtaposition des propriétés individuelles closes de haies et de barrières pour former un « semblant de tout nature » au sein duquel sont implantés logements et équipements. Les théories urbaines comme celle de la Ville radieuse militent pour une mise en commun des espaces libres et pour une continuité de la nature à travers la ville sans entrave et sur un sol libéré. Les grands ensembles puis les villes nouvelles des Trente Glorieuses reposent en grande partie sur ces concepts bien qu'elles en fassent une lecture différente.
À travers 80 projets et plus de 450 documents, l’exposition présente le travail d’une quarantaine d’architectes sur les relations qu’entretiennent l’architecture et le végétal au cours du XXe siècle. Elle est le prolongement d’une sélection de documents issus des collections du Centre d’archives d’architecture du XXe siècle présentée dans le cadre du parcours Labyrinthe végétal à travers les galeries du musée des Monuments français à la Cité de l'Architecture et du Patrimoine du 23 Mars 2011 au 24 Juillet 2011.
Marcel Lods
1952-1960. Grand ensemble des Grandes-Terres,
Marly-le-Roi
Auguste et Gustave Perret
1906. Sanatorium marin, Trelevern
Léon Jaussely
1903-1907. Projet de concours pour l'aménagement
et l'extension de Barcelone
Joseph Marrast
1928-1939. Jardin pour M. Boussard, Lardy
Albert Laprade
1925. Jardin pour l'hôtel de Vogüé, quai d'Orsay, Paris 7e
Roger-Henri Expert
1933-1934. Jardin d'hiver du Paquebot Normandie
Henri Sauvage
1898-1902. Villa Jika pour Louis Majorelle, Nancy