Nu dans sa peau de métal, ainsi apparaît-il dans la statue que Philolaos lui a érigée et qui garde l'entrée de sa maison-atelier derrière le Panthéon. Regard du sculpteur sur l'architecte.
À 84 ans, Pierre Parat a bon pied bon œil, il dessine, peint tout en brossant le portrait de ces mythiques « Trente glorieuses » dont il est l'un des acteurs.

Le parcours de Parat commence au Pérou qu'il gagne en 1941. Il reviendra en France après la guerre pour mettre le cap sur l'École des beaux-arts et intégrer l'atelier Beaudouin. Diplômé en 1954, installé en 1955, associé en 1957 ; « être patron à 26 ans a également contribué à mon isolement », écrit-il dans son dernier opus publié au Cercle d'art.

Nul doute qu'il aurait voulu être artiste – il dessine depuis l'âge de 8 ans – mais la pression familiale l'a orienté vers d'autres horizons. Sa culture technique ne l'éloignera pas du dessin, bien au contraire. « Je demeure convaincu de la correspondance entre le dessin et l'architecture. » La dimension graphique de l'œuvre est ainsi le « fil rouge » du travail sur les structures et les espaces urbains. Pas véritablement corbuséen mais impressionné par Ronchamp, pas miesien mais fasciné par la National Galerie de Berlin, pas wrightien non plus mais enthousiasmé par le mythe du Rebelle, Parat paraît à l'évidence influencé par Kenzo Tange, le métaboliste. Les invariants de son architecture sont à chercher dans « l'expression des circulations verticales et horizontales, l'éclatement des volumes, l'affirmation des structures », pour reprendre la définition de Parat. Dans cette trilogie, le cylindre en béton cannelé ou en brique joue un rôle majeur. Ce vocabulaire reste la marque de fabrique de l'agence Andrault et Parat. Solide et productive. Dans son Histoire mondiale de l'architecture et de l'urbanisme modernes, Michel Ragon classe ce travail dans « l'architecture-sculpture ».

La ligne fut donnée dès le commencement du parcours avec le projet de concours (perdu) pour la cathédrale d'Alger, ou celui pour la basilique de Syracuse (lauréat devant celui de Guillaume Gillet, l'architecte de Notre-Dame de Royan). Étudiée avec l'ingénieur Morandi, cette haute église à structure radiale mettra vingt-sept ans à voir le jour. Mais elle aura permis à deux jeunes architectes français de 30 ans à peine de s'imposer dans un concours international. C'était quatorze ans avant le grand concours du Centre Pompidou qui fit émerger aussi deux jeunes signatures.

Paradoxalement, bien qu'ils aient compté dans le paysage architectural français parmi les agences les plus importantes, leur travail n'a guère rayonné à l'étranger, mis à part l'édifice religieux de Syracuse en 1957 – projet fondateur de l'agence – et le siège des AGF à Madrid en 1977. Le contexte de l'époque était tel qu'il y avait beaucoup à faire dans l'Hexagone, beaucoup de recherches à développer : siège de Havas à Neuilly (expression très forte des structures métalliques), faculté de Tolbiac (trois tours avec un, deux ou trois cubes), tour Totem sur le Front de Seine (une partie portée, une partie suspendue), Palais omnisport de Paris-Bercy (premier acte d'architecture végétalisée)… Sans oublier la recherche sur le thème du logement-gradin initiée par l'opération de Villepinte en 1962, qui trouvera son apothéose dans les célèbres Pyramides d'Évry, conçues en 1973.

Cette exposition dévoile une autre facette de l'architecte : Parat derrière sa caméra. En 1970, il achète une Beaulieu 16 mm avec un zoom Angénieux et il dévore de son objectif la ville ancienne comme la métropole contemporaine. En sortent des films sans paroles ni commentaires, qui lui ressemblent bien : « Je ne suis pas un parleur », souligne-t-il… Le dialogue, on le trouve entre image et musique. Premiers films à Calcutta et Bénarès, puis New York (qu'il avait découvert en 1946, de retour du Pérou), Venise et bien d'autres villes, car ce n'est pas tant l'architecture qu'il filme que des scènes urbaines. Dans la Sérénissime, il part à la recherche de « pure abstraction ». Défi s'il en est.

En mettant le projecteur sur cette démarche, nous cadrons sur le statut d'« auteur » de Pierre Parat : à l'intersection de l'architecture, de la peinture et du cinéma. Et, s'agissant de toiles, grand format bien sûr, peinture rime chez lui avec texture.
Francis Rambert
Directeur de l’Institut français d’architecture