AVANT-PROPOS
Les fonds conservés au Centre d'archives de la Cité de l'architecture et du patrimoine concernent quasi exclusivement des architectes français. Leur étude n'empêche cependant pas une approche internationale de l'histoire de l'architecture, de l'urbanisme comme de la construction. Certes, cette internationalisation de la recherche met bien souvent en évidence des pratiques impérialistes, qu'elles soient politiques (les empires coloniaux) ou plus spécifiquement économiques, avec par exemple la diffusion mondiale du système Hennebique. Les fonds d'archives illustrent également la circulation des idées et des modèles à travers la planète, phénomènes que l'on désigne plus volontiers aujourd'hui sous le nom de transferts. Entre la France et l'Allemagne, le terme d'interférence(s) a permis de révéler sur deux siècles l'ampleur et la constance des échanges bilatéraux, conflits et périodes de crispations n'empêchant jamais complètement cette dynamique des flux intellectuels.

Le cas de Berlin au XXe siècle est particulier, faut-il le redire. Ville dévastée en 1945, ville divisée puis « emmurée » avant de devenir l'espace de la réunification allemande, elle avait d'abord été la capitale de tous les excès, de la croissance la plus fulgurante en Europe, une métropole soudaine, puis un projet fou avec la Germania d'Albert Speer. Les fonds d'archives d'architectes français racontent à leur manière une partie de ce destin unique. Certains épisodes sont bien connus, d'autres sont révélés ici et s'imposent comme des pièces supplémentaires dans le puzzle sans fin de la construction historique.

Trois périodes se sont dessinées avec une certaine évidence. Celle d'un Grand Berlin en construction, d'abord, où entrepreneurs de béton armé et urbanistes français tentent leur chance sans réel succès, tandis que l'ambassade de Pariser Platz est le théâtre fragile de la tension des relations franco-allemandes. Celle de Berlin-Ouest, avec ses casernes mais surtout ses projets manifestes ; une ville sous perfusion devenue vitrine des modernités : avec le quartier de la Hanse (le Hansaviertel) et l'Université libre, c'est la Charte d'Athènes et Team 10 à la fois qui apportent chacun leurs contributions. En redevenant ville-capitale après la chute du mur, enfin, Berlin est le théâtre d'immenses travaux et de projets éminemment symboliques : le Musée juif et l'aménagement de la Spreeinsel en sont deux exemples.

Les projets présentés ici, étudiés par des étudiants en Master d'histoire de l'art de l'Université de Picardie Jules-Verne d'Amiens, constituent un repérage quasi complet de ce que les chercheurs pourront trouver sur Berlin dans les fonds de la Cité de l'architecture et du patrimoine.
Simon Texier, professeur à l'Université de Picardie Jules-Verne, Amiens
Visiter la première exposition virtuelle montée en collaboration avec
les étudiants de l'Université de Picardie Jules-Verne d'Amiens
Interférences/Interferezen. Architecture Allemagne-France 1800-2000
(dir. Jean-Louis Cohen et Hartmut Frank), Strasbourg, Éditions des Musées de Strasbourg, 2013
Michel Espagne, L’histoire de l’art comme transfert culturel. L’itinéraire d’Anton Springer, Paris, Belin, 2009

1962. Projet d'aménagement de Mehringplatz, Berlin
Projet d'Eugène Beaudouin
et projet de Marion Tournon-Branly, Pierre Devinoy
et Bernard de La Tour d'Auvergne, architectes

1988-1989. Concours international pour le Musée juif du Musée de Berlin
Adrien Fainsilber, architecte

1993. Concours pour l'aménagement de Spreeinsel, Berlin
Jean-Louis Véret, architecte

1958. Concours international d'urbanisme de Berlin Capitale
Marion Tournon-Branly, Pierre Devinoy, Jean Faugeron,
W. Schlote et Bernard de La Tour d'Auvergne, architectes

1926-1934. Ambassade de France, Pariser Platz 5, Berlin
Joseph Marrast, architecte

1955-1958. Immeuble d'habitation, Klopstockstraße 14-18, Hansaviertel, Berlin
Pierre Vago, architecte

1898-1900. École supérieure des beaux-arts de Berlin
Bétons armés Hennebique, ingénieur

1952-1953. Chapelle Saint-Louis-des-Français, Berlin
André Chatelin, architecte

1963-1967. Freie Universität, Berlin
Georges Candilis, Alexis Josic et Shadrach Woods, architectes