La cité-jardin du Pré-Saint-Gervais (qui se prolonge en fait sur Pantin et sur Les Lilas), l’une de ses principales réalisations, l’occupe de 1927 à sa mort en 1955. Sur un terrain acquis par l’OPHBMS en 1924, c’est la cité-jardin la plus proche de Paris, puisqu’elle était tangente à la « zone » (aujourd’hui le boulevard périphérique). Elle est aussi très urbaine par sa taille, plus de 1200 logements, et par la continuité du front bâti le long de certaines rues. Elle occupe un espace à la topographie accidentée, ce que traduit le nom initial du lieu-dit, Le Trou Marin, une dépression de 20 m de profondeur. Ce sont les possibilités inégales de fondations qui déterminent en partie l’implantation très diversifiée, conçue autour de grands vides aménagés en espaces collectifs.
Des pavillons « individuels » (en réalité de petits collectifs intégrant des ateliers d’artistes) adoptent une esthétique moderniste d’inspiration viennoise. Ils choquent certains contemporains, et frappent encore aujourd’hui, par la nudité des façades plates et enduites. Tout le reste de la cité (sauf les sections construites après la guerre) est unifié par les murs de brique rouge, avec quelques rehauts de brique jaune. Dumail apporte un soin particulier à la mise en œuvre de la brique, pour la totalité des façades y compris les plus secondaires : ses archives contiennent d’innombrables esquisses, qui se concentrent sur les encadrements de portes, de fenêtres et de passages couverts. Il travaille aussi l’effet de certaines successions de façades en perspective, c’est-à-dire dans la perception qu’en aura l’habitant.
Il n’accorde pas moins de soin à l’aménagement des logements, dont il fournit des représentations en axonométrie coupée (une vision en perspective aérienne montrant le bas de chaque pièce, sans déformation des angles ou des distances) qui sont assez exceptionnelles par leur taille et par leur exécution au lavis. Cette application inattendue du dessin Beaux-Arts à des logements sociaux véhicule le message de leur valeur aux yeux du maître d’œuvre, mais aussi du maître d’ouvrage : on constate en effet l’importance des équipements (pas encore de placards, cependant). Les barres peu épaisses permettent la double orientation de tous les logements, sans pièces traversantes. Quelques dispositions originales apparaissent, comme une chambre dans l’angle obtus formé par le pli d’une barre. Les revêtements sont soignés, notamment pour les sols (plancher, dalles, linoléum de couleur havane). Ce soin se lit aussi dans les photographies, qui vont jusqu’à indiquer – noté par le photographe lui-même – le nom du tâcheron qui a effectué les finitions des escaliers, un souci tout à fait exceptionnel.